Commençons par un aveu. Quelle a été la contribution de Décision & Stratégie Santé pour soigner l’hôpital après toutes ces réformes, HPST, plan hôpital, Ma Santé 2022 ? L’hôpital au final s’est paupérisé. Et lutte pour assurer ses missions de service public jour après jour. Depuis trente ans, les soignants diversifient leurs moyens d’intervention. Certains ont eu recours à la prise de parole dans le débat public. D’autres, plus récemment, ont opté pour la défection. Enfin, la majorité témoigne de sa loyauté, soit les trois concepts clés d’Albert Hirschman mis en avant dans un livre publié en traduction française dès 1972. Mais pour combien de temps encore la loyauté résistera-t-elle au désarroi, voire à la colère ?
Ce dernier numéro de Décision & Stratégie Santé témoigne aussi d’un échec éditorial. La volonté d’instaurer un dialogue constructif entre tous les acteurs de l’hôpital, administratifs et soignants, s’est brisée contre le mur d’une politique hospitalière marquée par un sous-investissement de long terme. Les plans du type Ségur de la Santé, en dépit de leur importance, ont seulement colmaté les brèches. Dans le même temps, les experts évaluaient l’hôpital alors en surcapacité. La logique conduisait à en réduire la voilure. Une pandémie plus tard, les services ferment non plus par décision administrative mais faute de soignants ! Et à chaque été, plane la menace d’un effondrement. Mais là- aussi, nous regardons ailleurs…
Est-ce une nouvelle illustration d’un déni ? Celui d’imaginer que l’hôpital prend en charge tous les autres, ceux qui ont la malchance, la faiblesse d’être malades. Pas nous donc… Le déni est aussi pratiqué par les journalistes. Un magazine est innervé par la volonté de comprendre, vascularisé par un flux tendu d’informations. Mais à l’image de toute espèce vivante, la disparition le guette, ici diminué par un nombre toujours plus réduit d’abonnés et d’annonceurs. Et nous aussi, on a regardé ailleurs. Pourtant, dans une page saisissante inédite lue et relue depuis sa parution (1) en mai dernier, Michel Foucault livre une définition de la philosophie qui s’applique avec bonheur au mot près au journalisme et à ses missions de service public. « La philosophie a reçu en partage une tâche qui ne lui était point jusqu’ici familière : celle de diagnostiquer. Reconnaître, à quelques marques sensibles, ce qui se passe. Détecter l’évènement qui fait rage dans les rumeurs que nous n’entendons plus, tant nous y sommes habitués. Dire ce qui se donne à voir dans ce que l’on voit tous les jours. Mettre en lumière, soudain cette heure grise où nous sommes. Prophétiser l’instant. »
On ne rajoutera rien sinon que l’on transmet le flambeau, dernière info, à la belle équipe du Quotidien du Médecin. Vivement demain !
(1) Le discours philosophique, Michel Foucault, éditions EHESS, Gallimard, Seuil, mai 2023, 305 pages, 24 euros.
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