Santé des femmes

Vomissements gravidiques, quand cela devient pathologique

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Publié le 22/05/2023
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La parution du premier consensus français sur les nausées et vomissements gravidiques et sur l’hyperémèse gravidique braque les projecteurs sur une pathologie de la grossesse peu connue et reconnue. Avec ce texte, les experts du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) espèrent harmoniser des pratiques hétérogènes.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Vomir à répétition plusieurs fois par jour durant des semaines, perdre du poids de manière préoccupante, être affaiblie et en détresse au point, parfois, de ne plus être en mesure de demander de l’aide, d’assurer le quotidien… C’est ce que vivent certaines femmes enceintes alors que la société leur répète que « la grossesse n’est pas une maladie », constatent les experts du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), à l’origine d’un consensus dédié aux nausées et vomissements gravidiques.

À juste titre, ils remarquent que si l’on repère et traite systématiquement le diabète gestationnel ou la pré­éclampsie, en revanche, les nausées et vomissements du premier trimestre (voire jusqu’à cinq mois ou plus) sont souvent banalisés. « Face à l’incompréhension et à la méconnaissance de cette véritable pathologie de la grossesse, qui n’est prise en charge qu’à des stades extrêmes, nous avons voulu poser le problème et guider médecins traitants et hospitaliers dans la prise en charge », explique le Pr Philippe Deruelle (CHU de Montpellier), coordinateur des recommandations.

Chez environ 35 % des femmes, les nausées et vomissements de la grossesse sont en fait très invalidants et se répercutent sur tous les pans de la vie quotidienne. Et pour 0,3 à 3,6 % des grossesses, ces vomissements sont incoercibles et constituent la principale cause d’hospitalisation au premier trimestre de la grossesse. « Il faut être perspicace et savoir repérer, parmi les 50 à 90 % de femmes qui ressentent les nausées et vomissements du début de grossesse, les formes plus sévères que constituent les nausées et vomissements gravidiques et, stade ultime, l’hyperémèse gravidique (HG). »

Les critères d’hospitalisation précisés

À ce titre, « le score Puqe modifié est particulièrement utile en médecine de premier recours, indique le Pr Deruelle. Choisi pour sa simplicité et sa bonne corrélation à la gravité des nausées et vomissements gravidiques, il doit être calculé d’après l’interrogatoire ».

Selon le consensus formalisé du CNGOF, l’hyperémèse gravidique se distingue des nausées et vomissements gravidiques par une perte de poids > 5 % ou des signes de déshydratation ou un score Puqe modifié > 7. Une hospitalisation est proposée lorsqu’au moins un des critères suivants est présent : perte de poids > 10 %, un ou des signes cliniques de déshydratation, score Puqe modifié > 13, hypokaliémie < 3,0 mmol/L, hyponatrémie < 120 mmol/L, élévation de la créatininémie > 100 mmol/L ou résistance au traitement. Dans tous les cas, « il faut être proactif et prévenir l’aggravation, sans laisser passer 48-72 heures », insiste le Pr Deruelle.

Il est conseillé d’arrêter les vitamines prénatales et la supplémentation en fer mais pas celle en acide folique.

Les médicaments constituent une aide précieuse « et l’on parvient dans un grand nombre de cas à atténuer les symptômes », assure le Pr Deruelle. Pour cela, l’association doxylamine-­pyridoxine peut être tentée en 1re ligne (60 % de réponses environ), devant les neuroleptiques (métoclopramide), incluant les phénothiazines (chlorpromazine et prométhazine). L’ondansétron, puissant antagoniste hautement sélectif des récepteurs 5-HT3 à la sérotonine se place en 2e ligne dans l’HG. Les corticoïdes relèvent du tout dernier recours et seulement en cas d’HG. La supplémentation en vitamine B1 est systématique en cas d’HG justifiant d’une réhydratation parentérale afin de prévenir la survenue d’une encéphalopathie de Gayet Wernicke.

Quant aux pratiques héritées du passé, « soutenues par des théories psychanalytiques (suggérant que les vomissements témoignent d’un rejet de l’enfant, ndlr), certaines ont encore cours aujourd’hui, comme retirer les bassines ou l’isolement, et doivent cesser », alerte le Pr Deruelle. Aucune preuve d’étiologie psychosomatique n’existe à ce jour. Pour autant, un soutien psychologique et l’orientation vers les associations de patientes sont à promouvoir activement.

Score Puqe modifié

En moyenne, durant une journée :

1. Combien de temps vous sentez-vous nauséeuse ou avez-vous « mal au cœur » ?
Pas du tout (1 point) /Moins d’1 h (2 pts) /2-3 h (3 pts) /4-6 h (4 pts) /
Plus de 6 h (5 pts)

2. Combien de fois vomissez-vous ?
Pas du tout (1 pt) / 1-2 fois (2 pts) / 3-4 fois (3 pts) / 5-6 fois (4 pts) /
Plus de 7 fois (5 pts)

3. Combien de fois avez-vous des haut-le-cœur ou renvois sans vrai vomissement ?
Pas du tout (1 pt) / 1-2 fois (2 pts) / 3-4 fois (3 pts) / 5-6 fois (4 pts) / Plus de 7 fois (5 pts)

Score total : nausées et vomissements gravidiques légers ≤ 6 ; modérés = 7 à 12 ; sévères ≥ 13.


Source : Le Généraliste