Bicentenaire de la naissance de Pasteur : l'Académie de médecine révèle les aspects méconnus de son histoire

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Publié le 26/12/2022

Crédit photo : Stéphane de Sakutin / AFP

À l'occasion du 200e anniversaire de la naissance de Pasteur le 27 décembre 1822, l'Académie de médecine* a rendu hommage à un homme qui fut bien plus que le découvreur du vaccin contre la rage.

De par son cursus de chimiste, Pasteur a été en mesure de proposer des mécanismes et des applications aux observations empiriques faites par des médecins comme Jenner près d'un siècle auparavant, mais aussi aux avancées de contemporains tels Semmelweis (hygiène des mains) et Lister (antisepsie). « C'était un véritable expérimentateur, insiste le Pr Patrice Debré, immunologiste, auteur d'un livre récent sur l'illustre Jurassien. Il posait des hypothèses, imaginait des expériences pour les tester, et développait des moyens techniques pour y parvenir. C'était aussi un remarquable dessinateur - il voulait être artiste dans son enfance - ce qui l'a aidé à décrire et caractériser les différentes bactéries quand le microscope a fait son apparition dans son laboratoire. »

L'asymétrie du vivant

« La première découverte fondamentale de Pasteur fut l'asymétrie du vivant, poursuit l'académicien. Il s'est aperçu que la chimie était une structure dans l'espace et que c'est l'asymétrie d'une molécule qui est responsable de sa fonction biologique : un sucre droit n'a pas le même goût qu'un sucre gauche. » Ces travaux de jeunesse ont servi de porte d'entrée dans la microbiologie qu'il a continué à scruter avec un œil de chimiste.

Ses premiers pas dans le domaine de la biologie se font dans le domaine agricole : il répond à plusieurs commandes du ministère de l'agriculture visant à décrypter les mécanismes de vinification, à comprendre la problématique des vers à soie et en particulier la propagation de la maladie du charbon. « On se demandait pourquoi les animaux continuaient à tomber malades alors qu'on enterrait les carcasses très profondément sous terre, précise le Pr Debré. Il a compris que les bacilles étaient remontés à la surface par les vers de terre qui dévoraient les carcasses. »

Le grand public voit Louis Pasteur comme un phare dans la nuit, s'élevant haut au-dessus de l'obscurantisme de ses contemporains. Pourtant la réalité est un peu différente : « il y a deux concepts qui entourent les découvertes de Pasteur : l'asepsie découverte par Semmelweis et l'antisepsie, c’est-à-dire la désinfection hospitalière, développée par le chirurgien Joseph Lister », rappelle le Pr DebréLes travaux de Lister « ont révolutionné la pratique de la médecine, abonde le Pr Patrick Berche, microbiologiste et ancien directeur de l'Institut Pasteur de Lille. Grâce à la désinfection des plaies et des outils au phénol, la mortalité périopératoire est passée de 50 à 15 % dans son hôpital de Glasgow. En quelques années, les chirurgiens du monde entier sont passés de l'opération en redingote au port de masques et de protections. »

S’il est entré en lisse dans la problématique infectieuse, ce n'est ni à cause de Semmelweis, ni à cause de Lister, puisqu'il ne connaissait pas leurs travaux. « Il l'a fait en raison de controverses, car si on connaissait l'existence des microbes, on n'avait pas encore prouvé qu'ils étaient la cause des pathologies infectieuses », précise le Pr Debré. La preuve directe est établie en parallèle en Allemagne par Robert Koch. En revanche, Pasteur connaissait bel et bien les travaux sur la vaccination d'Edward Jenner, ainsi que les écrits d'autres médecins qui militaient pour la vaccination contre la rougeole.

Un pionnier de la collaboration internationale

À l'image de son grand rival Robert Koch, Louis Pasteur a été capable d'attirer de nombreux chercheurs étrangers : le zoologiste russe Elie Metchnikoff, futur prix Nobel pour ses travaux sur les macrophages et vice-directeur de l'Institut Pasteur, le Brésilien Oswaldo Cruz (l'institut qu'il a fondé à Rio et qui porte son nom est l’équivalent de l'Inserm), le Suisse Alexandre Yersin, futur découvreur du bacille de la peste et du sérum antipesteux…

« C'est l'époque de l'internationalisation de la science et de ses laboratoires », rappelle le Pr Debré. Les travaux de Pasteur sont aussi internationaux : sur les 2 490 premiers patients mordus par un chien enragé, 764 sont étrangers. « En 1 876 lors d'un congrès international, il est accueilli avec entrain par les Italiens auxquels il présente ses résultats sur la maladie du ver à soi », ajoute l'épidémiologiste Yves Buisson.

Les souverains étrangers sauront s'en souvenir : le 14 novembre 1888, l'Institut Pasteur est inauguré, et sur les plus de 2,5 millions de francs de la souscription nécessaires à sa construction, une part significative provient de trois souverains étrangers, l'empereur du Brésil Pedro III, le sultan turc Abdulhamid II et le tsar Alexandre III. Ce dernier a versé 300 000 francs en remerciement de la venue du savant en Russie où il avait procédé à la vaccination de 350 Russes mordus par des chiens enragés. Le propre neveu de Pasteur, Adrien Loir, ira fonder le premier laboratoire antirabique hors de France, à Saint-Pétersbourg.

L'internationalisme de Pasteur se retrouve dans sa plus célèbre citation : « La science n'a pas de patrie parce que le savoir est le patrimoine de l'humanité, le flambeau qui éclaire le monde ».

*Séance à l'Académie de médecine le jeudi 15 décembre 2022

Damien Coulomb

Source : lequotidiendumedecin.fr