C'est un appel à la vigilance vis-à-vis des compléments alimentaires contenant du curcuma que lance l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Plus de 40 cas d’hépatites entre 2002 et 2021 en Italie et en France ont été recensés lors de la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma ou de la curcumine. L’imputabilité est vraisemblable ou très vraisemblable pour neuf cas, selon l'agence sanitaire.
Récemment, l’Italie a recensé une vingtaine de cas d’hépatite impliquant des compléments alimentaires contenant du curcuma. En France, depuis la mise en place du dispositif de nutrivigilance en 2009, plus de 100 signalements d’effets indésirables susceptibles d’être liés à la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma ou de la curcumine ont été recensés, dont 15 hépatites.
Si la littérature fait état d'une bonne tolérance vis-à-vis de la curcumine (parfois troubles digestifs bénins) et d'une absence d'effet mutagène ou génotoxique, les études réalisées présentent des limites (faibles effectifs, financements directs ou indirects par les fabricants). Et le curcuma, pourtant considéré comme hépatoprotecteur, pourrait être hépatotoxique à doses élevées, selon des études chez l’animal. L’agence estime ainsi nécessaire que des travaux complémentaires soient menés pour préciser la relation dose-effet et tout particulièrement identifier le niveau d’exposition à risque d’apparition d’effets toxiques.
Nouvelles formulations à biodisponibilité accrue
Pour une consommation de curcumine sans risque pour la santé, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a fixé la dose journalière admissible (DJA) à 180 mg de curcumine par jour pour un adulte de 60 kg. « Au regard de cette dose, l’exposition de la population française par les aliments reste faible, avec 27 mg pour les grands consommateurs d’aliments à base de curcuma », rapporte l'Anses. Pour que tous les apports alimentaires, compléments alimentaires inclus, ne dépassent pas la DJA, l’Anses a déterminé que la dose apportée par les compléments alimentaires doit rester inférieure à 153 mg par jour pour un adulte de 60 kg.
Mais cette valeur n’est valable que pour les formulations contenant de la curcumine sous forme classique. Or « l’expertise a identifié un recours accru, dans les compléments alimentaires, à des formulations qui augmentent la biodisponibilité, conclut l'agence. Cette biodisponibilité accrue expose, pour une même prise, le consommateur à une dose interne plus élevée que celle qui résulterait de la consommation d’une formulation classique. »
Le danger des interactions médicamenteuses
« Par ailleurs, il existe un danger avéré lié aux interactions médicamenteuses, insiste l'Anses. Il provient des effets de la curcumine sur les processus d’absorption intestinale et sur l’activité de plusieurs cytochromes P450. La curcumine est donc susceptible de modifier la biotransformation de nombreux médicaments. » L'Anses estime que ce type de compléments alimentaires devraient être évités chez des personnes ayant des problèmes biliaires mais aussi à celles traitées par des anticancéreux, des immunosuppresseurs ou des médicaments à marge thérapeutique étroite tels que les anticoagulants. « À ce titre, une inscription de la curcumine au thésaurus des interactions médicamenteuses serait souhaitable », affirme l'Anses.
Les compléments alimentaires contenant du curcuma sont consommés en France pour leurs propriétés supposées sur les fonctions digestives et leur action antioxydante et anti-inflammatoire. Mais, faute de preuves, la Commission européenne n'a pas autorisé l'allégation sur la « contribution au fonctionnement normal des articulations ». Entre mai 2016 et mars 2021, plus de 1 600 produits ont été déclarés comme contenant du curcuma en France.