Depuis le 19 février, ce sont désormais deux lignes radicalement opposées qui se font face quant à la position à adopter en matière de lettre d’intention de déconventionnement des médecins libéraux. Samedi, c’est la FMF qui a fait publiquement part de son ralliement au mouvement initié par l’UFML-S, également suivi par le collectif Médecins pour demain. Le syndicat polycatégoriel appelle ainsi « tous les médecins libéraux » à déposer leur lettre d’intention sur le site de l’UFML pour venir en appui des 4 400 courriers déjà recueillis à ce jour. Au vu du déroulement des négociations conventionnelles et des déclarations du nouveau ministre délégué à la santé Frédéric Valletoux, la FMF « considère que seule une pression large et unitaire permettra de débloquer la situation ». Et ce n’est pas le seul mode d’action dans laquelle s’engouffre le syndicat. En parallèle, la FMF appelle ses troupes, sur le terrain, à utiliser le dépassement pour exigence particulière du patient (DE) : « Aucun acte médical ne peut être facturé à moins de 30 euros et […] les propositions conventionnelles de la Cnam rendent nécessaires l’utilisation du DE pour assurer la viabilité de nos cabinets », argumente le syndicat.
Guerre des chiffres
Ce 19 février, la Conf’ a jugé la situation suffisamment sérieuse pour essayer d’allumer un contre-feu, par voie de communiqué également. « Oui, la CSMF vous demande de ne surtout pas vous déconventionner. Faites vos comptes ! Et vous constaterez par vous-même que vous y perdrez », recadre le Dr Franck Devulder, président de la centrale, citant en appui les chiffres de l’Institut statistique des professionnels de santé libéraux (ISPL). En 2021, le nombre de médecins non conventionnés était de 982. Pour baisser à 904 en 2022, puis à 824 en 2023. Dans le même temps, pour la seule médecine générale, les praticiens non conventionnés passent de 727 à 621 entre 2021 et 2023. Pour le chef de file de la CSMF, la démonstration est claire : être hors convention ne fait pas vraiment recette.
Le Quotidien a voulu en avoir le cœur net et a demandé à la Cnam quel était le véritable nombre de médecins non conventionnés. Conclusion, pour l’heure, sur la foi des données de Data PSL, le phénomène du secteur 3 chez les généralistes (y compris les MEP) reste de faible importance relative et assez stable sur la période 2010-2022, soit entre 550 à 750 praticiens selon les années sur 52 000 généralistes libéraux.
Tandis que pour l’année 2023, le directeur de la Cnam assurait à la rentrée dans nos colonnes que le nombre de généralistes à s’être effectivement déconventionnés (démarche active de sortir de la convention pour passer en secteur 3) ne dépassait pas « quelques dizaines ».
Grève des libéraux pendants les JO ?
« Appeler à un déconventionnement massif nuira à la médecine libérale tout entière et tout particulièrement à la médecine libérale », diagnostique le Dr Devulder.
MG France, pour sa part, dit « comprendre la colère des collègues » mais ne peut souscrire à un mouvement « qui conduirait à accepter de ne soigner que les patients riches », estime la présidente du premier syndicat de généralistes, la Dr Agnès Giannotti.
Quant au SML, sa stratégie est déjà arrêtée. « Nous voulons toujours pousser sur le C à 50 euros. Nous sommes en faveur du secteur 1, de l’ouverture du secteur 2 pour tous et aussi du secteur 3. On ne désespère pas de continuer à négocier pour le moment », lâche la présidente et chirurgienne Sophie Bauer. Mais sans accord conventionnel qui lui donne satisfaction, le SML appellera tous les médecins libéraux à faire grève pendant les Jeux olympiques. En attendant, FMF, UFML et Médecins pour demain espèrent bien récolter les bénéfices de leur nouveau coup de pression et voir flamber le nombre de courriers de médecins annonçant leur intention de se déconventionner. Le schisme des syndicats médicaux semble bel et bien consommé.