Les dernières recommandations pour la prise en charge de l’infertilité dataient de 2010. Cette nouvelle version, à paraître, réalisée à partir d’une analyse systématique de la littérature, porte sur la prise en charge initiale du couple infertile : examens de première intention et induction simple de l’ovulation. Elle a été construite autour de la méthode Pico, une approche fondée sur les preuves qui permet de répondre à des questions précises, clairement formulées — quelle est la Population cible, quelle Intervention est étudiée, que donne la Comparaison avec les pratiques en cours et quel en est le résultat (Outcome en anglais) — et seulement à ces questions. 28 thématiques ont été retenues.
Pour les femmes de moins de 35 ans, la définition de l’infertilité retenue ne change pas, c’est celle de l’OMS, à savoir douze mois d’infertilité avant d’initier un bilan. « En revanche, lorsque la femme a plus de 35 ans, il n’y a pas de temps à perdre, c’est pourquoi ce bilan peut être initié après six mois d’infertilité. De plus, en cas d’anomalie constatée, il est recommandé d’adresser le couple d’emblée à un médecin spécialisé en médecine de la reproduction », précise la Pr Blandine Courbiere, service d’assistance médicale à la procréation, CHU de Marseille.
Des examens à ne pas faire
Certains examens ne sont plus recommandés pour ce bilan initial. Notamment, le test post-coïtal, test contraignant avec une faible reproductivité et une faible valeur prédictive des chances de grossesse spontanée ou en insémination intra-utérine. « Le dosage d’hormone anti-müllerienne (AMH), examen désormais remboursé, n’est plus non plus recommandé chez une femme en âge de procréer, en dehors d’une prise en charge en assistance médicale à la procréation (AMP). C’est d’autant plus important que beaucoup de femmes s’interrogent sur leur fertilité et l’intérêt d’une éventuelle autoconservation de leurs ovocytes. Or, l’AMH n’est pas prédictive de la fertilité spontanée d’une femme. La doser sans indication médicale peut se révéler anxiogène ! », insiste la Pr Courbiere.
Pour explorer la perméabilité tubaire des femmes infertiles, l’hystérosalpingographie reste un examen de première intention. La nouveauté est que l’HyFoSy (hystérosalpingo-foam-sonography) est reconnue comme une alternative. Cet examen consiste en une échographie avec injection d’une eau gélifiée faisant office de produit de contraste dans les trompes et qui serait moins douloureuse que l’hystérosalpingographie. « Ce produit de contraste n’étant pas remboursé, l’HyFoSy n’est actuellement pas disponible sur tout le territoire et pour toutes les femmes. Les résultats obtenus seraient équivalents en termes de diagnostic. L’HyFoSy est réalisé par les gynécologues ou les radiologues alors que l’hystérosalpingographie n’est réalisée que par ces derniers », précise la Pr Courbiere.
Concernant l’évaluation de la cavité utérine, il est désormais recommandé en première intention de faire une échographie 3D pour le diagnostic des malformations utérines et pour le dépistage des pathologies endocavitaires. Si celle-ci est normale, l’hystérosonographie complémentaire (qui consiste à mettre du liquide dans la cavité utérine pour mieux la voir) n’est pas recommandée. En effet, l’échographie 3D a une sensibilité et une spécificité proche de 100 % pour les malformations utérines, il n’y a donc pas d’intérêt à réaliser d’autres examens. Pour ce qui est des pathologies intracavitaires, l’échographie 3D a une sensibilité un peu moindre que celle de l’hystérosonographie (90, vs. 98 %) mais, étant donné sa, de 98,5 %, il n’y a pas d’intérêt à réaliser une hystérosonographie complémentaire.
De même, dans le bilan de première intention, en l’absence de signes d’appel cliniques et à l’échographie 3D, il n’est pas recommandé de faire une IRM pelvienne, ni d’hystéroscopie diagnostique en première intention et avant la PMA.
À noter que les dernières données de la littérature ne permettent pas de recommander une section systématique des cloisons utérines en première intention, ni de réaliser systématiquement une cure d’isthmocèle asymptomatique.
Traiter une vaginose bactérienne
La sérologie Chlamydia trachomatis n’est pas un examen à utiliser seul pour exclure une pathologie tubaire d’origine infectieuse. La valeur prédictive négative de cette sérologie n’est pas suffisante pour l’éliminer de façon certaine.
Grande nouveauté en revanche, le prélèvement vaginal pour examen microbiologique et recherche d’une vaginose bactérienne, par un score de Nugent, est désormais recommandé chez les femmes infertiles suivies en AMP. « La présence d’une vaginose bactérienne augmenterait les risques de fausse couche. Pour autant, il n’y a pas encore d’étude montrant que la traiter augmente les chances de naissance en AMP, mais cette recommandation va dans le sens de celles, internationales, qui préconisent de traiter systématiquement », souligne la Pr Courbiere.
Examen concomitant de l’homme
Il est recommandé de faire davantage attention à l’homme infertile et notamment de réaliser une échographie testiculaire systématique en cas d’anomalie du sperme, pour rechercher une varicocèle ou une tumeur du testicule. L’examen clinique du scrotum est aussi recommandé chez les hommes qui ont des anomalies du spermogramme, pour rechercher ces pathologies, ou une anomalie des canaux déférents. La spermoculture devient aussi un examen de première intention.
En revanche, lorsqu’un spermogramme est normal, il n’est plus recommandé d’en réaliser d’autres.
Une part importante de l’hygiène de vie
Les effets de l’alimentation, de l’activité physique et de l’exposition aux toxiques (tabac, cannabis, alcool) ont fait l’objet d’une analyse de la littérature. Même si le niveau de preuve est faible, il existe une association entre mode de vie et les chances de grossesse spontanée et en AMP, justifiant de recommander un régime méditerranéen qui serait associé à de meilleures chances de grossesse. « Il est donc recommandé aux femmes infertiles d’avoir une alimentation équilibrée selon les recommandations du Programme national nutrition santé (PNNS). C’est d’ailleurs aussi recommandé pour l’homme, qui n’est pas qu’un spermatozoïde ! », rappelle la Pr Courbiere.
Autres mesures d’hygiène de vie préconisées : une activité dynamique d’au moins 30 minutes par jour, car une activité modérée pourrait être bénéfique pour les paramètres spermatiques chez l’homme — alors qu’une activité intense ou de haut niveau peut avoir l’effet inverse.
Il est enfin recommandé d’informer les hommes de l’impact délétère du tabac sur le risque de fausse couche dans le couple et la baisse des chances de naissance vivante. Le sevrage au cannabis est recommandé avant toute AMP car il pourrait avoir un impact sur la qualité du sperme. Concernant l’alcool, la consommation doit être limitée à moins de cinq verres par semaine chez les femmes et les hommes infertiles.
Évolution sur le poids
En 2010, il était recommandé de retarder la prise en charge en AMP en cas d’indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 35, mais la revue de la littérature n’ayant pu identifier d’IMC seuil qui contre-indiquerait une prise en charge, cette recommandation n’a plus cours.
La prise en charge préconceptionnelle de l’obésité est recommandée chez la femme infertile qui dysovule, pour améliorer les troubles du cycle et les chances de naissance spontanée. De plus, une prise en charge hygiénodiététique préconceptionnelle améliore le pronostic obstétrical et néonatal (raison pour laquelle elle reste utile), cependant les données de la littérature ne permettent pas de conclure à une amélioration nette des chances de concevoir en AMP.
Chez la femme obèse, les données sont insuffisantes pour recommander une chirurgie bariatrique dans le seul objectif d’augmenter les chances de naissance en FIV (alors que la perte de poids induite va diminuer le risque obstétrical et néonatal). « C’est l’âge de la femme et le bilan de la réserve ovarienne qui comptent en priorité dans la stratégie de prise en charge d’une femme obèse », indique la Pr Courbiere.
Exergue : « Doser l’AMH peut se révéler anxiogène et contreproductif ! »
Entretien avec la Pr Blandine Courbiere, service d’assistance médicale à la procréation, CHU de Marseille