L’inégalité d’espérance de vie entre les hommes et les femmes reste considérable puisqu’en 2014 celle des hommes équivalait à celle des femmes trente ans auparavant. Entre génétique et comportements à risques, les hommes demeurent fragiles… Mais sous peu rattrapés par les femmes qui adoptent de plus en plus leurs travers
En 2015, d’après l’Insee, une femme pouvait espérer vivre en moyenne 85,6 ans et un homme 80 ans. Les femmes vivent donc toujours plus longtemps que les hommes, bien qu’en dix ans, l’espérance de vie masculine ait progressé de 2,9 ans et celle des femmes de 2,1 ans. Certains facteurs biologiques peuvent expliquer cette différence de longévité entre les sexes. On sait que l’obésité, principalement abdominale chez les garçons est un facteur de risque cardio-vasculaire alors que les hormones féminines protègent les femmes contre ce type d’accidents jusqu’à la ménopause. L’homme a un risque génétique d’athérosclérose beaucoup plus élevé que la femme. Sur 100 infarctus, seulement 20 surviennent dans la gent féminine
Une part de plus en plus grande de la littérature désigne aussi les facteurs comportementaux comme les principaux responsables de la différence de longévité entre les sexes au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Les hommes fument plus que les femmes, bien que les courbes aient maintenant tendance à se rattraper. Et, parmi les mâles, beaucoup sont de gros consommateurs de tabac.
Or, d’après une étude britannique (Mc Cartney et coll, Glasgow, London, 2005 ) publiée dans la revue Tobacco Control, le tabagisme expliquerait à lui seul 40 à 60 % de la différence d’espérance de vie entre les femmes et les hommes sauf au Danemark, Portugal et en France où il représente une plus faible proportion. La consommation d’alcool justifierait quant à elle 20 % à 30 % de cette disparité en Europe orientale et 10 à 20 % ailleurs en Europe. Ainsi, la mortalité globale par cancer est nettement plus élevée chez l’homme. (84 100 décès en 2015 vs 65400 chez la femme).
La mortalité « évitable » (accidents de la circulation, suicide, cancer du poumon) se caractérise également par une surmortalité masculine, du fait des comportements à risque beaucoup plus fréquents dans cette population.. Enfin, un certain mutisme masculin peut aussi retarder la prise en charge des maladies chez les hommes, causant, pour les mâles, une « perte de chance ». Une étude parue en mars 2016 dans le Journal of Health Psychology montre que les hommes adoptant les stéréotypes virils « classiques » ou qui ont une vision très traditionnelle de la masculinité minimisent leurs symptômes lors d’une visite médicale.
Une inégalité qui reste considérable
Au total, même si l’espérance de vie globale augmente, l’inégalité entre les sexes reste considérable puisqu’en 2014, celle des hommes était équivalente à celle des femmes trente ans auparavant. Au rythme actuel de ce rapprochement, il faudrait donc, selon l’Insee, soixante ans pour arriver à l’égalité. De plus, alors que l’on aurait souhaité que les hommes se rapprochent des femmes en termes d’espérance de vie, en adoptant des comportements « plus sages », la balance penche malheureusement de l’autre côté. Les modes de vie féminins sont de moins en moins différents de ceux des hommes, qu’il s’agisse de durée et de types, de consommation de tabac ou d’alcool, ou d’activité professionnelle. D’où une augmentation de leur mortalité cardiaque et pulmonaire.
Aujourd’hui, une femme sur trois meurt de pathologie CV et de plus en plus jeune du fait d’un tabagisme accru alors que les hommes ont, quant à eux, réduit leur consommation nicotinique. Quant aux cancers du poumon, leur incidence est, d’après l’INCa, en progression constante chez la femme. Il en est de même des décès qui leur sont attribuables. La mortalité globale par cancer régresse chez l’homme et augmente chez la femme, puisqu’en 2012, le chiffre de décès par cancer était de 85 000 dans la population masculine contre 63 000 au sein de la gent féminine. On constate également, selon la Fédération française de cardiologie, une nette progression des infarctus chez les femmes de moins de 60 ans. Ils ont triplé ces 15 dernières années. En cause, le tabagisme et l’obésité féminine en augmentation (attestée par l’étude Obépi 2012).
Les hommes pourront-ils inverser le mouvement en modifiant leurs habitudes, afin d’espérer vivre aussi longtemps que leurs compagnes ? Plusieurs plans de santé publique gouvernementaux conçus pour lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme se sont succédé dans ce but : plan triennal 1999-2009 de lutte contre les drogues et de prévention des dépendances, plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool 2004-2008 et 2008-2011.
C’est au cours du premier Plan cancer qu'ont eu lieu des hausses de prix fortes et répétées (+ 42 % entre 2002 et 2004) pour dissuader l'accès au tabac et qu'a été promulgué le décret Bertrand de 2006 interdisant de fumer dans les lieux publics. L’apposition des avertissements sanitaires illustrés sur les paquets de cigarettes (2010), le renforcement de la politique d'aide au sevrage tabagique (montant de remboursement des substituts nicotiniques porté de 50 à 150 € pour les femmes enceintes en septembre 2011) et le renforcement de la protection des mineurs face au tabagisme (extension de l'interdiction de vente aux moins de 18 ans) ont été mis en application lors du deuxième Plan cancer (2009-2013). Et un troisième Plan cancer (2014-2019) a prévu la mise en place du Programme National de réduction du Tabagisme.