Effet secondaire rare, l’ « antibiomania » se définit par l’« apparition d’un épisode maniaque en réaction à la prise d’antibiotiques ». Un article de la dernière édition de L’Encéphale (1) mentionne le cas d’une patiente de 61 ans qui a présenté un épisode maniaque suite à la prise d’une trithérapie antibiotique reçue pour l’éradication d’H. pylori dans le cadre d’un ulcère gastroduodénal. À l’arrêt du traitement antibiotique, les symptômes maniaques ont régressé en quelques jours.
► L’épisode a débuté dans les jours suivant le début de la trithérapie : amoxicilline (2 g/j) pendant 5 jours relayé par de la clarithromycine (1 000 mg/j) et du métronidazole (1 500 mg/j) au 6e jour pendant 5 J. Le syndrome maniaque était typique avec des symptômes psychotiques. L’IRM cérébrale était normale et la recherche de toxiques négative. La patiente a été traitée par divalproate de sodium au 2e jour de l’hospitalisation. Ses antécédents rapportaient la notion de syndrome dépressif du post-partum et un phénomène d’irritabilité sous corticoïdes inhalés pour sinusite chronique. Les symptômes maniaques se sont amendés en 4 jours et le traitement thymorégulateur a été maintenu pendant 2 ans et stoppé sans rechute.
► Dans la littérature, les deux premiers cas d’antibiomania ont été décrits en 1995, suivis par d’autres depuis. En 2002, une étude mentionne 21 cas de manies induites par les antibiotiques : 6 impliquant la clarithromycine, 13 l’isoniazide, 1 l’érythromycine et l’amoxicilline. L’OMS rapporte de son côté 82 cas (non publiés) dont 27,6 % sous clarithromycine, 14,4 % sous ciprofloxacine et 12 % sous ofloxacine, et baptise cette réaction « antibiomania ». La clarithromycine est principalement mise en cause. Parmi les cas non publiés, la FDA rapporte des cas où ce macrolide serait impliqué dans 62,3 % des cas, la métronidazole dans 3,3 % et l’amoxicilline dans 1,6 %.
► Parmi les hypothèses avancées pour expliquer ce phénomène, trois mécanismes tiennent la corde. Le premier serait lié à l’effet compétitif inhibiteur des récepteurs gabaergiques de l’antibiotique par diffusion médicamenteuse à travers la barrière hématoencéphalique. La seconde hypothèse reposerait sur l’effet épileptogène possible des macrolides pouvant mimer un tableau psychiatrique. Enfin, des études récentes décrivent un lien possible entre des modifications du microbiote intestinal et des troubles psychiatriques via des processus immuno-inflammatoires entraînant la modification de neurotransmetteurs. Par exemple, le Lactobacillus et le Bifidobacterium secrètent du GABA, d’autres comme l’Escherichia coli de la noradrénaline ou le Streptococcus de la sérotonine.
Pour les auteurs français de cette étude (hôpital Albert-Chenevier à Créteil, GH Henri-Mondor, et Université Paris Est Créteil Val-de-Marne), « l’ "antibiomania" est peu connue alors qu’il nous semble nécessaire d’être informé de cet effet secondaire afin d’arrêter l’antibiotique dès l’apparition d’un syndrome maniaque sans autre étiologie ».
1- T. Legendre, C. Boudebesse, C. Henry, B. Etain. Antibiomania : penser au syndrome maniaque secondaire à une antibiothérapie. L’Encéphale. Vol 43 - N° 2 - avril 2017. P. 97-196 Doi : 10.1016/j.encep.2015.06.008
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