Marie, 89 ans, présente depuis 3 jours une douleur importante des deux poignets, associée à un œdème qui prend le godet (voir photo). Insomniante, cette plainte algique s’est exacerbée en fin de nuit. L’examen clinique se révèle satisfaisant, mis à part des troubles à la marche en rapport avec une cécité due à une DMLA. Le bilan biologique engagé de prime abord objective un syndrome inflammatoire important (VS à 96 mm à la 1re heure et CRP à 48 mg/l : N<5). Les dosages du facteur rhumatoïde, de l’électrophorèse des protides, et des Ac antinucléaires se sont révélés normaux, ainsi que les radiographies des deux poignets. Compte tenu du tableau clinique, nous avons posé le diagnostic de syndrome RS3PE.
LE RS3PE (Remitting Seronegative Symmetrical Synovitis with Pitting Edema)
Cette pathologie a été décrite en 1985 pour la première fois par McCarthy. Il s’agit d’un rhumatisme inflammatoire qui touche le plus souvent des sujets de plus de 60 ans (près de 65 % ont plus de 70 ans). L’absence de lésions érosives est un critère radiologique indispensable pour poser ce diagnostic.
› Cliniquement cette entité se caractérise par :
- Une douleur d’apparition brutale (la symptomatologie apparaît entre 24 et 72 heures). Cette dernière présente un caractère inflammatoire.
- La présence d’un œdème qui prédomine au niveau des poignets. Il est le plus souvent bilatéral, prenant le godet et, comme dans notre observation, de couleur blanche. On l’objective au niveau de la face dorsale des mains. Parfois, il est présent au niveau de l’extrémité inférieure de l’avant-bras.
- Au niveau des mains, on note souvent une atteinte des petites articulations (métacarpophalangiennes ou interphalangiennes proximales). Une synovite au niveau de la gaine des extenseurs est souvent décrite.
- Parmi les autres articulations, il est important de mettre en évidence une possible synovite du genou, une atteinte des pieds avec une synovite qui touche les tarses et les articulations métatarsophalangiennes, une synovite des coudes, des épaules (aspect d’épaule gelée) et de la hanche.
- Des signes généraux qui associent un fébricule, un amaigrissement et une asthénie.
DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Parmi les autres diagnostics, il faut évoquer :
– Les arthropathies microcristallines. Dans ces cas, on peut se référer aux radiographies qui objectivent des liserés en faveur d’une chondrocalcinose. Un dosage biologique d’acide urique à distance de l’épisode objective une uricémie supérieure à la normale. De plus les atteintes sont rarement bilatérales.
– Les pseudopolyarthrites rhizoméliques. La symptomatologie est souvent évocatrice : douleur du rachis cervical, des ceintures, une asthénie, des céphalées (témoignant de la présence d’une vascularite). L’IRM permet d’objectiver les atteintes des structures juxta-articulaires (bursite ou ténosynovite).
– Les connectivites. Souvent elles associent des polyarthrites symétriques des petites articulations à une hyposialie et des douleurs buccales (syndrome de Gougerot-Sjögren), mais aussi des myalgies, des pneumopathies interstitielles, des hyperkératoses des mains. Le dosage des Ac antinucléaires permet de poser le diagnostic.
- La polyarthrite rhumatoïde. Les anomalies radiologiques restent au 1er plan avec des érosions osseuses du poignet, mais aussi des hypertrophies synoviales. De plus l’apport de la biologie permet de retrouver une élévation des facteurs rhumatoïdes.
– Les spondylarthropathies révèlent une extension tardive périphérique d’une atteinte axiale connue ou peu bruyante. Souvent les articulations touchées sont celles des membres inférieurs. L’imagerie permet de retrouver des enthésopathies et des atteintes sacro-iliaques.
– Les polyarthrites paranéoplasiques. Il faut y penser chez un sujet déjà connu pour une affection néoplasique connue (en rémission ou non), mais aussi chez des patients avec une altération importante de l’état général et devant des signes associés (myalgies, anémie, gammapathie, syndrome de Raynaud…). Les adénocarcinomes (poumon, sein ovaires, prostate) sont souvent responsables de cette symptomatologie.
LE TRAITEMENT
Les manifestations cliniques en rapport avec le RS3PE rétrocèdent avec les corticoïdes (et ce même avec de faibles doses : 10 à 15 mg/j). Cette administration permet souvent une régression clinique spectaculaire en seulement quelques jours.
C’est cette rapide amélioration qui nous permet de poser ce diagnostic. D’ailleurs notre charmante patiente a noté en 7 jours une régression complète de son tableau clinique avec 10 mg de prednisolone. La rémission complète (synovite surtout) est souvent observée au bout d’une période de quelques mois à deux ans ; élément qui a conduit les Américains à donner le terme remitting.
Toute altération importante de l’état général, et un recours à des doses plus importantes en cortisone, doivent inciter le clinicien à rechercher une étiologie néoplasique associée à ce syndrome.
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