La gastro-entérite aigue (GEA) est responsable d’environ 20 à 30 décès en France par an, de 18 000 hospitalisations, de 100 000 consultations aux urgences et de 300 000 consultations par an chez les enfants de moins de 5 ans. La mortalité a considérablement chuté en France et dans le monde depuis l’utilisation des solutés de réhydratation orale considérés comme l’un des progrès thérapeutiques les plus importants de ces dernières 50 années en pédiatrie (3).
La diarrhée est due à un déséquilibre entre l’absorption et la sécrétion intestinale d’eau et d’électrolytes. Selon l’agent responsable (bactérie ou virus), les mécanismes physiopathologiques des diarrhées aiguës associent une hypersécrétion hydroélectrolytique au niveau des cryptes et/ou un processus invasif à l’origine d’une diminution des capacités d’absorption d’eau et d’électrolytes au niveau des villosités. C’est pourquoi le traitement des diarrhées aiguës de l’enfant repose essentiellement sur la correction des pertes en eau et en électrolytes et sur le maintien de l’équilibre hydroélectrolytique (1).
La gastro-entérite aiguë est le plus souvent d’origine virale avec une composante saisonnière marquée – le pic de fréquence maximale a lieu au cours des mois d’hiver. Les virus sont responsables de 70 à 80 % des cas chez le nourrisson et le jeune enfant.
Les gastro-entérites bactériennes sont plus rares, les étiologies bactériennes ne comptant que pour 10 à 15 % des cas. Les agents pathogènes sont le plus souvent Campylobacter jejuni ainsi que différentes espèces de shigelles ou de salmonelles. Des gastro-entérites ayant des conséquences particulièrement graves peuvent être provoquées par des souches d’Escherichia coli entérotoxiques.
LA GASTRO-ENTÉRITE VIRALE
Chez le nourrisson et le petit enfant, les rotavirus sont les agents pathogènes les plus fréquents.
Quasiment tous les enfants sont contaminés une fois par an, de façon symptomatique ou non, avant l’âge de 5 ans. Le rotavirus est en cause dans 40 à 50 % des hospitalisations d’enfants pour gastro-entérite aiguë.
› Les formes les plus sévères des gastro-entérites aiguës virales concernent les enfants âgés de six à dix-huit mois et/ou ceux pour lesquels il s’agit du premier contact avec le virus. Après un premier épisode de contamination, près de 75 % des enfants acquièrent une immunité et les épisodes suivants sont moins sévères.
› La période d’incubation dure 24 à 48 heures environ. L’enfant est contagieux avant le début des symptômes et le reste 10 à 12 jours après. La transmission n’a lieu quasiment qu’entre humains : la principale voie infectante est féco-orale, mais une transmission par les gouttelettes de salive est aussi possible. Il faut savoir que le rotavirus survit longtemps sur les surfaces (stéthoscope, alèze, matelas de change, blouse) même après nettoyage.
› Le diagnostic de gastro-entérite aigue du nourrisson et du jeune enfant est porté sur l’association :
- survenue rapide d’une diarrhée (selles liquides de fréquence supérieure ou égale à 3 par 24 heures); - vomissements précédant souvent la diarrhée ;
-fièvre modérée – inconstante – dans un contexte épidémique.
Chez l’enfant de moins de 3 ans, les vomissements sont inauguraux dans 75 % des cas environ.
IDENTIFIER LES SIGNES DE GRAVITE
Le risque le plus grave de la gastro-entérite aiguë est celui de la déshydratation. Elle peut s’installer en quelques heures aussi et doit être prévenue par l’utilisation de solutés de réhydratation orale. L’essentiel est d’identifier les signes d’alerte.
Les facteurs de risque de gravité sont :
- un âge inférieur à six mois ;
- l’existence d’une comorbidité (prématurité, drépanocytose, déficit immunitaire, insuffisance rénale…).
Une hospitalisation s’impose d’emblée en cas de :
- perte de poids importante › 8 % (attention : si le ventre est ballonné, il existe un troisième secteur et la perte de poids devient un mauvais critère)
- vomissements incoercibles, refus de boire ;
- nourrisson de moins de trois mois ;
- doute sur une pathologie sous-jacente ;
- troubles de la conscience ou du comportement ;
- selles sanglantes ;
-facteurs sociaux défavorables (forte déstabilisation parentale…) faisant craindre une absence de possibilités de réhydratation ambulatoire appropriée,
L’examen permet de diagnostiquer et d’évaluer la déshydratation.
Il ne faut pas attendre un pli cutané inconstant qui n’est plus le critère principal pour évaluer une déshydratation. Cette évaluation se base sur un ensemble de manifestations cliniques d’autant plus marquées que la déshydratation est importante :
- dépression de la fontanelle chez le nourrisson ;
- pli cutané (pris en défaut si l’enfant est particulièrement potelé) ;
- yeux creux ;
- sécheresse des muqueuses ;
- perte de poids. Toute diarrhée impose une surveillance du poids pour dépister une éventuelle déshydratation. Elle est bénigne en dessous de 5 %, de gravité moyenne entre 6 à 8 % et sévère à partir de 9 %.
A un stade plus évolué, l’enfant va présenter une hypotonie, une somnolence, une fièvre.
À l’issue de l’examen, une prise en charge à domicile est proposée en l’absence de déshydratation ou si celle-ci est minime. En cas de déshydratation légère à modérée, la décision est plus difficile et se fait au cas par cas en fonction du contexte et de la surveillance envisageable. Si la diarrhée débute le soir, les parents fatigués surveilleront difficilement leur enfant.
Au cours de l’évolution, l’enfant sera hospitalisé en cas de :
- vomissements fréquents persistants et diarrhée de fréquence élevée ;
- signes cliniques de déshydratation ;
- modification de l’état de conscience ;
- absence de réponse à la réhydratation ou impossibilité d’une réhydratation orale.
ET SI CE N’ÉTAIT PAS UNE GEA VIRALE ?
Une diarrhée, même en période épidémique, n’est pas toujours en rapport avec une gastro-entérite aiguë.
Cliniquement, une gastro-entérite virale ne se différencie pas d’une gastro-entérite bactérienne ; mais une fièvre élevée, des diarrhées profuses – surtout aqueuses voire hémorragiques – plaident en faveur d’une origine bactérienne. On se méfiera d’un ballonnement abdominal inhabituel dans la gastro-entérite aiguë et qui doit faire suspecter une autre étiologie. Une appendicite du jeune enfant peut mimer une gastro-entérite aiguë. Un examen clinique complet est nécessaire devant toute diarrhée aigue même non fébrile.
› Il faut toujours avoir à l’esprit le syndrome hémolytique et urémique, rare mais grave, dû à Escherichia coli, entérotoxigene, qui se manifeste par un début brutal avec asthénie marquée, pâleur et oligurie et qui impose une hospitalisation en urgence.
LA PRISE EN CHARGE AU DOMICILE : SRO ET NUTRITION PRECOCE
L’objectif principal du traitement de la diarrhée aiguë est d’en réduire la gravité et notamment les complications telles la déshydratation et la dénutrition. Le contrôle du symptôme diarrhéique n’est qu’un objectif secondaire (2).
Les conseils à donner aux parents
› Peser leur bébé si c’est possible. C’est capital pour les nourrissons de moins de 6 mois qu’il faudrait peser toutes les 4 heures (location pèse-bébé ou disponibilité de celui du cabinet médical).
› Recontacter le médecin ou aller aux urgences en cas de persistance des vomissements, d’apathie, de cris plaintifs, d’hypotonie, de somnolence, de pâleur, d’yeux cernés, de respiration anormale, de perte de poids, en expliquant qu’un seul de ces signes justifie un avis médical urgent.
›Mesurer la température.
› Compter le nombre de selles : un nombre important de selles liquides sur un temps court – plus d’une selle liquide par heure pendant plus de trois heures – est un facteur de gravité.
› Pour éviter une contamination (fratrie notamment), lavage soigneux des mains après chaque change et avant toute préparation de repas ou nettoyage des surfaces souillées.
Réhydrater : le soluté de réhydratation orale est la principale et immédiate prescription
› Quelle que soit la cause de la déshydratation, les solutés de réhydratation orale doivent être utilisés dés la première selle liquide. Il faut utiliser exclusivement les solutés vendus en officine. Leur efficacité est équivalente, leur reconstitution identique, leur composition est établie pour compenser les pertes en eau et électrolytes dues à la diarrhée – osmolarité de 200 à 250 mosm/l avec un apport de sodium de 60 mmol/l (Adiaril®, Alhydrate®, GES 45®, Fanolyte®, Hydrigoz®, Picolite®, Viatol®, Physiosalt®) (12).
En décembre 2006, le Conseil supérieur d’hygiène publique (10) rappelait que le traitement de la GEA à rotavirus est essentiellement symptomatique et repose avant tout sur les solutions de réhydratation orale administrés précocement.
› Attention, l’utilisation de solutés « maison » à base d’eau, d’eau de riz, de jus de fruits, de sodas de type cola dont la composition n’est pas du tout adaptée, est à proscrire. L’eau ne contient ni sucre ni sodium alors que les sodas ont une osmolarité trop importante et que leur apport en sodium et potassium est insuffisant.
› Les modalités d’utilisation des SRO doivent être expliquées aux parents en termes simples et clairs.
- Préparer le solutés de réhydratation orale (un sachet pour 200 ml d’eau) et le proposer en petites quantités de façon répétée, toutes les 5 à 10 minutes et même si l’enfant vient de vomir, pendant une à deux heures. Les petites doses diminuent le risque de vomissements. Puis les proposer souvent et sans limites de quantité pendant 24 heures.
La boisson sera conservée au réfrigérateur et utilisée dans les 24 heures suivant sa préparation. La proposer bien fraîche - surtout pour les enfants qui vomissent -, par petites gorgées au biberon, à la pipette ou à la cuillère. Un nourrisson peut boire jusqu’à 300 ml/kg/jour (soit pour un poids à 10 kg : 3 litres par jour = 15 biberons de 200 ml). Le SRO est poursuivi tant que durent les selles liquides.
› Il est essentiel d’informer les parents que le but des solutés de réhydratation orale est d’éviter la déshydratation mais qu’ils ne traitent pas la diarrhée. La persistance de selles liquides ne signifie donc pas qu’ils sont inefficaces.
La réalimentation précoce
- En cas d’allaitement maternel, celui-ci est poursuivi. On alterne tétées et solutés de réhydratation orale. L’allaitement maternel réduit la sévérité des diarrhées (8).
- Une alimentation normale (sans limitation de l’apport en lactose) associée à la réhydratation est préconisée devant une diarrhée modérée.
- En cas de déshydratation modérée, les solutés de réhydratation orale sont proposés exclusivement pendant les 4 premières heures de la réhydratation, au-delà il faut assurer la réintroduction de l’alimentation avec les aliments habituels.
- Chez le nourrisson de moins de 4 mois, il est possible d’utiliser un substitut du lait à protéines hydrolysées.Ce d’autant que la diarrhée est sévère et que l’enfant est jeune, qu’il existe des antécédents familiaux d’allergie et/ou des antécédents personnels de prématurité, de retard de croissance intra-utérin ou de pathologie chronique. Dans ce cas, le lait sera poursuivi pendant 2 à 4 semaines selon la sévérité de la diarrhée et au cas par cas (il n’y a pas d’étude précisant la durée optimum).
- L’utilisation des laits sans lactose peut être justifiée en cas d’intolérance au lactose survenant au décours d’une gastro-entérite aiguë à rotavirus. Ce diagnostic est évoqué devant la persistance de la diarrhée ou la réapparition d’une diarrhée profuse dans les heures qui suivent la réintroduction du lait habituel. L’utilisation de ce type de lait pendant 1 à 2 semaines suffit en général. Ce délai correspond au temps nécessaire à la réparation de l’atrophie villositaire et à la restauration d’une activité lactasique suffisante des entérocytes (5,6).
Traitement médicamenteux : une place limitée
› Les anti-émétiques n’ont aucune place dans la gastro-entérite aiguë du jeune enfant. Ils sont inefficaces ou peu efficaces et grevés d’effets secondaires.
› Les antidiarrhéiques peuvent être utiles comme adjuvants.
Il est en effet essentiel de bien faire comprendre que la prescription d’un antidiarrhéique ne doit en aucun cas se substituer aux mesures de réhydratation.
Le seul traitement adjuvant d’efficacité prouvée est le racédotril qui diminue le volume des selles par inhibition de l’hypersécrétion. Il peut être prescrit, en association avec les solutions de réhydratation, à la posologie de 1,5 mg/kg/prise.?A J1, on prescrit une prise d’emblée suivie de trois prises réparties dans la journée. A partir de J2, , trois prises par jour jusqu’au retour à des selles normales, sans dépasser 7 jours de traitement (7) .
› Les agents intraluminaux que sont les silicates (diosmectite) ou les probiotiques ont un effet uniquement symptomatique sur la durée de la diarrhée; ils n’ont pas d’effets prouvés sur le débit des selles ni sur l’importance de la déshydratation.
› Il n’y a pas d’indication à l’antibiothérapie sauf dans de très rares exceptions. Les origines bactériennes sont peu nombreuses et leur guérison spontanée est habituelle. Les antibiotiques sont fréquemment inefficaces, voire susceptibles d’induire des épisodes de diarrhée par rupture de l'équilibre de l'écosystème microbien intestinal. Un traitement antibiotique n’est indiqué que dans les diarrhées bactériennes invasives à Shigelle ou du fait d’un terrain particulier ou de la gravité du syndrome dysentérique, après réalisation d’une coproculture (selles glairo-sanglantes, diarrhée de retour d’un voyage,…) (2).
PAS DE VACCINATION SYSTÉMATIQUE CONTRE LES ROTAVIRUS
L’OMS recommande la vaccination contre le rotavirus. Plusieurs sociétés savantes de pédiatrie préconisent aussi cette vaccination chez les enfants de moins de 6 mois. Seuls quatre pays européens la recommandent actuellement (Belgique, Autriche, Finlande et Luxembourg) (11).
En France, le Haut conseil de santé publique, en mai 2010 (13), a décidé de ne pas recommander la vaccination systématique chez les nourrissons âgés de moins de 6 mois. Et ce en raison de l’absence d’impact significatif attendu sur la mortalité liées à la GEA à rotavirus, de la présence de matériel génétique de circovirus porcins et de l’existence d’un signal faible de possibilité d’invagination intestinale aiguë dans les 7 jours suivant la première prise du vaccin monovalent (9, 10).
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