Médecine interne

LES MALADIES RARES

Publié le 30/01/2023
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Au total, plus de 3 millions de Français sont atteints par l’une des 7 000 maladies rares connues à ce jour, la plupart d’origine génétique. Les médecins généralistes ont un rôle majeur dans le repérage, l’orientation et l’accompagnement de ces patients.

Crédit photo : GARO/PHANIE

INTRODUCTION

En France, les maladies rares représentent un enjeu majeur de santé publique car les 7 000 identifiées à ce jour touchent plus de 3 millions de Français, soit 4,5 % de la population du pays, et environ 25 millions d’Européens (1).

La probabilité qu’un ou plusieurs patients au sein d’une patientèle de médecin généraliste souffre (nt) d’une maladie rare n’est donc pas nulle.

La plupart de ces maladies se développent dès l’enfance. Elles concernent, dans la moitié des cas, des enfants âgés de moins de 5 ans et sont responsables de 10 % des décès entre 1 et 5 ans.

80 % des maladies rares sont d’origine génétique (1). Le plus souvent, ces pathologies sont sévères, chroniques, d’évolution progressive et affectent considérablement la qualité de vie des personnes malades. Elles entraînent un déficit moteur, sensoriel ou intellectuel dans 50 % des cas et une perte totale d’autonomie dans 9 % des cas.

À QUOI SERT ORPHANET, LE PORTAIL DES MALADIES RARES ET DES MÉDICAMENTS ORPHELINS ?

Orphanet a été créé en France par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) en 1997. À partir de l’an 2000, Orphanet s’est progressivement transformé en un consortium de 40 pays, en Europe et à travers le monde.

La plateforme Orphadata fournit à la communauté scientifique des jeux de données complets et de grande qualité sur les maladies rares et les médicaments orphelins, dans un format informatisé et réutilisable : https://www.orpha.net > Répertoire
des centres experts.

L’errance diagnostique est une réalité : seule une personne atteinte d’une maladie rare sur deux possède un diagnostic précis, qui met en moyenne 5 ans à être posé pour plus d’un quart des malades. L’impasse diagnostique résulte de l’échec à définir la cause précise d’une maladie, après avoir mis en œuvre l’ensemble des investigations disponibles. Elle concerne souvent des formes atypiques de maladies connues ou de maladies dont la cause génétique n’est pas identifiée.

Dans leur pratique, les généralistes se sentent le plus souvent très impliqués dans ces pathologies. 47,6 % d’entre eux déclarent souhaiter recevoir des enseignements sur la prise en charge des maladies rares et sur leur rôle dans le parcours de soins.

CONNAISSANCES DES MÉDECINS GÉNÉRALISTES SUR LES MALADIES RARES

Une enquête a été menée auprès d’un panel de médecins généralistes entre mars et juin 2020 (1 361 répondants) par Maladies rares Info services, le Collège de la médecine générale et les filières de santé Maladies rares (2).

• La connaissance des informations générales sur les maladies rares est hétérogène : 35,34 % ont répondu « non pas vraiment » ; 9,4 % « non pas du tout » ; 41,73 % « oui partiellement » ; 13,81 % « oui tout à fait ».

• 48,42 % auraient « probablement » le réflexe de penser à une maladie rare devant un tableau de symptômes cliniques inhabituels chez un patient (« probablement non » pour 36,74 % ; « oui » pour 12,34 % ; « non » pour : 2,13 %).

• Le site Orphanet est plutôt connu des médecins généralistes. 44,09 % des interrogés le consultent régulièrement pour se renseigner sur les maladies rares et 39,60 % de temps en temps.

• 26,75 % s'adressent régulièrement à des médecins hospitaliers pour rechercher des informations sur les maladies rares (42,62 % « occasionnellement »).

• 26,16 % consultent d’autres sources de renseignements, comme les associations de patients, les centres de référence Maladies rares, les collèges de spécialistes, le Cismef (Catalogue et index des sites médicaux de langue française), le guide de la Haute Autorité de santé (HAS), les revues médicales.

• 29,83 % ne connaissent pas l’existence des centres de référence et de compétence Maladies rares.

LE 3E PLAN NATIONAL MALADIES RARES 2018-2022

La France joue un rôle pionnier dans le domaine des maladies rares : elle est le premier pays en Europe à avoir élaboré et mis en œuvre un plan national. Parmi les priorités de ce plan, on trouve la réduction de l’errance et de l’impasse diagnostiques avec l’objectif de dépister plus précocement les maladies, de débuter les prises en charge au plus tard un an après la 1re consultation par un spécialiste (au lieu de 5 pour plus d’un quart des patients) et de faciliter l’accès aux traitements utiles.

• 29,90 % des médecins ayant un de leurs patients suivis par l’un de ces centres disent recevoir peu ou pas d’informations de leur part à propos de leurs patients (21,97 % disent au contraire bien communiquer avec eux).

• À la question « Avez-vous des besoins en termes de connaissances/pratique professionnelle sur les maladies rares ? », 40,48 % souhaiteraient pouvoir recueillir des informations en ligne sur un groupe de maladies rares précis (17,78 % en présentiel), et 47,91 % sur la prise en charge et le rôle du médecin généraliste. 73,03 % préféreraient des sites internet en termes d’outil support, 38,65 % des documents d’information et 38,06 % un support téléphonique ou par mail.

SAVOIR SE REPÉRER ET S’INFORMER

Du fait de leur rareté et de leur très grand nombre, les maladies rares sont souvent mal connues des professionnels de santé non spécialistes, ainsi que des professionnels du secteur social et médico-social.

En questionnement au sujet d’une maladie rare, médecins et patients peuvent s’appuyer sur Maladies rares Info services, un service d’information et d’orientation dédié :

– par téléphone : 01 56 53 81 36

– par mail : https://www.maladiesraresinfo.org/ecoute/par-e-mail.html

Ce service est délivré par une équipe d’experts spécialisés dans les maladies rares (service certifié conforme à la norme qualité ISO 9 001). En 2021, 100 % des professionnels usagers se sont déclarés satisfaits.

• Maladies rares Info services, le Collège de la médecine générale et les filières de santé Maladies rares ont produit en 2020 une série d’outils spécifiquement conçus pour les médecins généralistes :

Le mémo ressource « Ressources utiles pour les médecins généralistes et leurs patients » recense les principaux acteurs et contacts référents (23 filières de santé Maladies rares…)

• La fiche pratique « Maladies rares, de la suspicion au diagnostic » rappelle la possibilité d’un diagnostic de maladie rare et les contacts utiles.

La fiche pratique « J’ai un patient atteint d’une maladie rare » identifie les étapes de la prise en charge et les ressources d’information.

Une fois le diagnostic posé, le patient intègre un centre de référence Maladies rares, avec un suivi médical optimal sur le plan biomédical (3e recours). Le professionnel de 1er recours est donc généralement le médecin généraliste, qui va souvent demander un avis au spécialiste d’organe (2e recours), pour ensuite diriger le patient vers un centre de référence Maladies rares en 3e recours.

Le parcours de soins doit intégrer des soignants « de référence », tant à l’hôpital, en milieu spécialisé, qu’en proximité, d’autant plus que les distances à parcourir pour le patient sont parfois importantes. Il est souhaitable que le domicile soit le lieu de soins principal. Le médecin généraliste a alors toute sa place pour accompagner, soutenir, orienter vers les aides du territoire.

QUAND PENSER À UNE MALADIE RARE ?

Le médecin généraliste est concerné car il peut être confronté à un diagnostic auquel il est difficile de penser. Un tableau associant une combinaison inexpliquée de signes, des manifestations dans divers systèmes sans relation évidente, une certaine évolutivité peuvent éveiller son instinct face à l’incertitude diagnostique :

• une situation ou un tableau clinique que l’on ne comprend pas,

• un tableau associant une combinaison inexpliquée de signes,

• une incertitude entre des signes « fonctionnels » ou une maladie rare,

• une famille « porteuse » ou atteinte,

• l’avis ou la pression des patients et de leur entourage familial.

QUE FAIRE SI ON PENSE À UNE MALADIE RARE ?

Trouver le bon spécialiste, telle est la principale difficulté des patients souffrant de maladies rares et des professionnels de santé. Un seul réflexe à avoir : celui de demander un avis spécialisé dans la discipline d’organe concernée. Pour cela, le médecin peut contacter les ressources identifiées parmi les 23 filières de santé Maladies rares (FSMR), qui proposent 23 « groupes » de pathologies réunies par grandes thématiques telles que « SensGene » pour les maladies rares sensorielles, « RespiFil » pour les maladies respiratoires rares, etc. (voir les filières puis les centres sur la page https://www.filieresmaladiesrares.fr/annuaires-des-centres/).

Chaque FSMR réunit tous les acteurs impliqués dans une maladie rare ou un groupe de maladies rares : professionnels de santé, laboratoires de diagnostic, unités de recherche, universités, structures éducatives, sociales et médico-sociales, associations de personnes malades, ainsi que tout autre partenaire – y compris privé – apportant une valeur ajoutée à l’action collective. Les FSMR couvrent chacune un champ large et cohérent de maladies rares, soit proches dans leurs manifestations, leurs conséquences ou leur prise en charge, soit responsables d’une atteinte d’un même organe ou système.

POUR SE FORMER

Maladies rares Info services assure des sessions de formation modulables auprès des professionnels du secteur sanitaire et social. Plusieurs modules de formation existent (problématiques générales, prise en charge médico-sociale, ressources d’information et soutien, accompagnement social pour des problématiques spécifiques…). Ils sont présentés sur https://www.maladiesraresinfo.org > Professionnels : se repérer et se former > Se former.

Chaque filière organise des séminaires et webinaires médicaux sur ses pathologies. Se renseigner sur leurs sites internet (filfoie.com, muco-cftr.fr, filiere-cardiogen.fr, etc.).

Maladies rares Info services (01 56 53 81 36) est reconnu comme un organisme de formation par la Direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) sous le numéro 11 75 44 784 75.

Chaque filière de FSMR regroupe des centres de référence Maladies rares (CRMR) multisites avec un « site coordinateur » et un ou plusieurs « sites constitutifs » complémentaires, et des centres de compétence qui assurent la prise en charge du patient au plus proche de son domicile, assurant ainsi un maillage territorial optimal.

Pour la période 2017-2022, 109 centres de référence Maladies rares labellisés sont constitués de 387 centres de référence (ou sites) coordinateurs et constitutifs, et de plus de 1 800 centres de compétence qui assurent la prise en charge et organisent les parcours de santé des personnes concernées ou atteintes de maladies rares.

Les FSMR s’articulent également avec les 24 réseaux européens de référence Maladies rares (ERN) reconnus par la Commission européenne en 2017 en termes de thématiques et de missions. Certains centres appartenant aux FSMR peuvent donc être également membre d’un ERN, que ce soit un centre de référence coordinateur ou constitutif, ou bien un centre de compétence.

LE RÔLE DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE

Étant donné leur cœur de métier, les médecins généralistes, et plus largement les professionnels de proximité, sont à même d’apporter leur savoir-faire aux personnes atteintes d’une maladie rare et à leur entourage. Ils assurent un accompagnement (sanitaire, social, médico-social, familial), comme pour toute pathologie chronique, et permettent une continuité et une coordination des soins au long cours, comprenant une prise en charge pluri­professionnelle.

En soins primaires, la pertinence des soins concerne la demande de soins non programmés avec réponse dans la journée, le maintien à domicile ou les situations avec une prise en charge de proximité souhaitable, la gestion du handicap, des démarches médico-­administratives – dont le dossier MDPH (maison départementale des personnes handicapées) et les prestations familiales (prestation de compensation du handicap ou PCH et allocation compensatrice pour tierce personne ou ACTP) –, sans oublier une éventuelle problématique familiale ou parentale et l’inclusion scolaire ou professionnelle.

Hélène Joubert (rédactrice) avec le Dr Francis Abramovici, secrétaire général du Collège de la médecine générale (CMG), en charge du dossier sur les maladies rares

BIBLIOGRAPHIE
1. Maladies rares Info services : https://www.maladiesraresinfo.org/formation-informations-maladies-rares
2. Enquête sur les maladies rares (2020), Maladies rares Info services, filières de santé Maladies rares, Collège de médecine générale. https://www.maladiesraresinfo.org/assets/pdf/2020-resultats-enquete-mg-…


Source : Le Généraliste