La sclérose en plaques (SEP) touche environ 80 000 personnes en France et représente la première cause de handicap neurologique acquis chez l’adulte.
On distingue trois grandes formes évolutives :
- La forme rémittente caractérisée par la survenue de poussées, entrecoupées de rémissions. Les poussées sont marquées par l’apparition de troubles neurologiques qui peuvent durer quelques semaines ou quelques mois et disparaître en laissant ou non des séquelles
- La forme secondairement progressive survient après une période rémittente de durée variable et le handicap s’aggrave progressivement sans poussée surajoutée. On estime qu’environ 50 % des patients développent une évolution secondairement progressive après 10 ans d’évolution.
- La forme progressive d’emblée (15 % environ des patients) débute le plus souvent tardivement (après 40 ans), le trouble neurologique s’aggrave lentement sans poussées.
A coté de cette hétérogénéité évolutive, il existe une grande diversité dans la gravité de la maladie.
L’IRM cérébrale et médullaire est l’examen clé du diagnostic précoce de SEP, aux côtés de la clinique. L’IRM permet aussi d’évaluer la charge lésionnelle et l’évolution des lésions. Elle a ainsi un rôle important dans la décision thérapeutique (8).
LE TRAITEMENT DES POUSSEES
Identifier une poussée
- La SEP se révèle par une poussée dans environ 85 % des cas. Une poussée représente la traduction de l'inflammation.
Elle est définie par l'apparition ou la réapparition de un ou plusieurs signes neurologiques pendant plus de 24 heures en l'absence de fièvre ou de problème infectieux associé.
Cette définition mérite d’être précisée :
- un épisode de fièvre peut entraîner des signes ressemblant à une poussée : ce n’en est pas une, c'est une pseudo-poussée provoquée par l'augmentation de la température corporelle qui fait diminuer la vitesse de l’influx nerveux.
- des signes neurologiques durant seulement quelques heures ne sont pas considérés comme une poussée.
- Habituellement, les signes de poussée s'installent en quelques jours. La régression est souvent totale au début de la maladie mais les séquelles neurologiques deviennent fréquentes ou bout de quelques années d'évolution ou dans les formes sévères d'emblée.
Les signes sont divers; il peut s’agir de troubles visuels (baisse d’acuité visuelle ou diplopie), de troubles sensitifs (engourdissements, fourmillements, sensation de peau cartonnée, douleurs) pouvant toucher un ou plusieurs membres ou le visage, de troubles moteurs, de troubles de la coordination ou de l’équilibre, de troubles urinaires (impériosités ou dysurie), de troubles cognitifs. L’amélioration spontanée des symptômes est fréquente, aussi la décision de traiter dépend surtout de la gêne engendrée par l’attaque neurologique (3).
Est ce une urgence?
La poussée de SEP n’est pas une urgence. L’urgence, c'est de voir son patient et de prendre en compte son anxiété.
- Il importe de lui préciser que, dans l’état actuel de nos connaissances, la corticothérapie en perfusion réduit la durée de la poussée, mais n’influence pas la récupération à moyen terme et ne modifie pas l’évolution à long terme de la maladie.
- On explique aussi au patient qu'il est le plus souvent inutile de se précipiter aux urgences en cas de poussée. Il faut se donner deux ou trois jours. Soit les signes s’améliorent, ce qui est souvent le cas pour des troubles sensitifs, et traiter n'est pas justifié. Soit ils ne s’améliorent pas ou s'aggravent et il est toujours temps de traiter.
Pour autant, ceci est à moduler; une poussée très sévère qui va induire en en 36 heures une paraparésie importante, va nécessiter une prise en charge rapide." En pratique, souligne le Pr Lubetzki, il ne faut pas hésiter à appeler le neurologue qui, sur les signes décrits, estimera la sévérité et jugera s’il est possible d’attendre quelques jours".
- Selon les recommandations de la Conférence de Consensus, les poussées de SEP sont traitées par des bolus de methylprednisolone en perfusion à la dose de 500 mg à 1 mg/j, pendant trois à cinq jours (8). Ces bolus diminuent la réaction inflammatoire. Les perfusions sont le plus souvent administrées en milieu hospitalier, mais sont réalisables à domicile sous certaines conditions, dans le cadre de réseaux de soins par exemple. Ce type de prise en charge favorise la qualité de vie du patient mais nécessite une bonne coordination des acteurs médicaux.
La prednisone par voie orale à dose usuelle n’a pas d’efficacité démontrée. Le recours à un relais des fortes doses de corticoïdes par voie orale est en cours d’évaluation.
LE TRAITEMENT DE FOND DE LA SEP
Le traitement de fond, qui continue de faire l’objet de nombreuses recherches, a pour objectif de limiter la réponse inflammatoire dans le SNC.
Ces traitements agissent à différentes étapes de la cascade physiopathologique ; ils réduisent la fréquence des poussées, ont un bénéfice à moyen terme mais il s'agit cependant de traitements assez lourds, coûteux et contraignants et dont l'efficacité est encore partielle.
Les formes rémittentes répondent aux traitements de fond, ce qui n’est pas le cas des formes progressives probablement en raison d’un mécanisme lésionnel différent.
Les immunomodulateurs
Ils diminuent notamment la synthèse des cytokines inflammatoires, l’expression de certaines molécules d’adhésion et du complexe majeur d’histocompatibilité et l’entrée des cellules immuno-incompétentes dans le SNC. Il en résulte un « climat » moins inflammatoire (4).
Incluant l’interféron et l’acétate de glatiramère, les immunomodulateurs ont montré un effet à court terme sur la fréquence des poussées et les paramètres de l’inflammation (nombre de poussées, charge lésionnelle en IRM) ; mais leur impact à long terme sur l’évolution du handicap neurologique reste incertain (2).
- Plusieurs spécialités d’interféron sont disponibles :
- l’interferon bêta1-b (Betaferon*, 1995) administré par voie sous-cutanée tous les deux jours
- l’interféron bêta1-a (Avonex*,1997) administré par voie intra-musculaire 1 fois par semaine
- l’interféron bêta1-a (Rebif*, 1998), avec deux dosages différents, administré par voie sous-cutanée 3 fois par semaine.
Ces médicaments réduisent de 30% le nombre de poussées, ils n’ont pas de toxicité sévère mais possèdent comme effets secondaires un syndrome pseudo grippal -frissons, courbatures, céphalées et fièvre dans les heures suivant l’injection- qui peut être prévenu par la prise de paracétamol ou d’ibuproféne, et qui disparaît le plus souvent après quelques mois de traitement (6). Les réactions aux points d’injection (rougeur, induration, douleur, rarement nécrose) sont moins fréquentes depuis l’utilisation d’auto-injecteurs. Un dépistage et le traitement d’un état dépressif sont indispensables avant d’instaurer le traitement même ce risque d’induction de syndrome dépressif parait relativement faible.
La possibilité d’une cytolyse hépatique ou d’une leucopénie impose un hémogramme et un dosage des transaminases tous les mois pendant 3 mois puis tous les 3 à 6 mois. Un développement d’anticorps neutralisants, s’accompagnant d’une perte d’efficacité et survenant après 6 à 18 mois, peut survenir. (3)
- L’acétate de glatiramère (Copaxone*) s’administre par voie sous cutanée et quotidiennement. Polymère de 4 acides aminés, cette molécule qui permet une induction des lymphocytes T suppresseurs antigène-spécifiques a montré une efficacité comparable à l’interféron sur la fréquence des poussées (diminution 28% à 2 ans) ainsi qu’une réduction des lésions IRM) (2, 6). Le Copaxone* est responsable de rares réactions allergiques et de sensations d’oppression thoracique désagréables de quelques secondes survenant après l’injection mais ne nécessitant pas l’arrêt du traitement. Aucune surveillance biologique n’est nécessaire.
Les immunosuppresseurs
Les immunosuppresseurs agissent sur la réponse immune proprement dite, c'est-à-dire sur les lymphocytes dans la circulation périphérique de façon globale
- Actuellement, seule la mitoxantrone (Elsep*, Novantrone*) possède depuis octobre 2003 une AMM dans les formes agressives de SEP.
- La mitoxantrone est prescrite par voie IV une fois par mois à la dose de 20 mg, habituellement pendant six mois seulement, la durée de traitement étant limitée par sa toxicité cardiaque cumulative ainsi que par le risque de complication hématologique (la dose cumulée maximale est de 72 mg/m2 en France, 140 mg /m2 aux Etats-Unis).
Une NFS doit être demandée tous les mois pendant 6 mois puis tous les trois mois ensuite (le risque de leucémie aigue est estimé entre 1 à 2 cas pour 1 000 patients traités), une échographie cardiaque tous les ans pendant 5 ans. Chez la femme de plus de 35 ans, le risque d’aménorrhée définitive est relativement fréquent .
- Les résultats sont une réduction importante du taux de poussées et de l’évolution des lésions IRM , avec amélioration de la qualité de vie (performances cognitives, fonction physique, diminution des douleurs,…).
Un inhibiteur sélectif des molécules d’adhésion
Prescrit depuis juin 2007, le natalizumab (Tysabri*) est un anticorps monoclonal bloquant le passage des cellules immunoincompétentes à travers la barrière hémato-encéphalique.
- Les essais thérapeutiques ont montré que, sur les 3 premières années de prescription de traitement, le Tysabri réduit la progression du handicap (40 % à deux ans dans les formes rémittentes), diminue la fréquence des poussées de 70% et améliore la qualité de vie. Il diminue considérablement les lésions IRM.
Ces résultats sont plus nets encore quand les patients ont une forme très active de la maladie avec une fréquence élevée de poussées et une activité IRM importante.
- Ce médicament, uniquement utilisé en milieu hospitalier en monothérapie (une injection IV toutes les quatre semaines), est prescrit chez les personnes présentant initialement une forme agressive de la maladie (en première intention) ou ayant une forme très active de la maladie avec inefficacité d’un traitement immunomodulateur (seconde intention).
La survenue d’une réaction allergique dans 4 % des cas, impose l’arrêt du traitement. L’indication doit tenir compte de la survenue de quelques cas de leuco-encephalopathie multifocale progressive chez des patients traités par Tysabri*. Cette complication opportuniste très sévère est liée au mécanisme d’action du produit.
LES INDICATIONS D’UN TRAITEMENT DE FOND
L’évolutivité clinique, mais aussi l’évolutivité des lésions à l’IRM est un critère essentiel de décision.
- Au décours d’une poussée unique. Seuls l’Avonex* et le Betaferon* sont autorisés chez les patients n’ayant eu qu'une seule poussée de SEP. Selon les critères de l'AMM, il faut un nombre de lésions suffisant pour poser avec certitude le diagnostic de SEP, environ neuf lésions. Catherine Lubetzki précise : " les patients qui ont fait un seul épisode mais dont l'IRM est peu inquiétante avec une charge lésionnelle faible ne nécessitent pas un traitement de fond d’emblée, mais une surveillance clinique et IRM vigilante. En revanche,, si la charge lésionnelle est importante, le traitement est instauré d’emblée. » L’initiation d’un traitement précoce par interféron bêta chez des patients ayant présenté un premier épisode démyélinisant suggère, avec les limites des études obsrevationnelles, un bénéfice sur le long terme (5).
- Dans les formes rémittentes. Ce cadre représente 2/3 des patients, au début de la maladie. Les immunomodulateurs représentent les médicaments de première ligne, leur voie d'administration et leur tolérance différent, mais leur sécurité d'emploi sur le long cours et leur efficacité sont identiques.
Le choix se fait en fonction des préférences du patient et de son mode de vie. L’efficacité du traitement s’apprécie sur le nombre de poussées sous traitement et le handicap neurologique. Ces molécules sont utilisées sur des périodes longues avec une bonne tolérance sur le long terme. En cas de désir de grossesse, il est conseillé de les arrêter deux mois auparavant. « Le médecin généraliste a une place indispensable, souligne le Pr Lubetzki. Je commence à faire des prescriptions d’inteféron et d’acétate de glatiramère sur un an au cours duquel un suivi est nécessaire. Pour l’interferon, contrôler deux à trois fois par an les transaminases et la NFS et vérifier l'état cutané, pour la Copaxone* rappeler aux patients de varier les poins d’injection afin d’éviter les placards cutanés. »
En cas d’échec des immunomodulateurs, le Tysabri* peut être indiqué. Réservé aux formes très inflammatoires de la maladie, son indication doit tenir compte de son efficacité sur la composante inflammatoire, mais aussi du risque d ‘'infections opportunistes essentiellement cérébrales dont le médecin généraliste doit être clairement informé. « Dans notre service, les indications du Tysabri* sont toujours discutées de façon collégiale, au cours d’une réunion mensuelle», souligne Catherine Lubetzki.
Des études en cours analysent la combinaison thérapeutique immunomodulateur et immunosupresseur
- Dans les formes agressives. Elles peuvent l'être d'emblée ou survenir secondairement chez des patients ayant un forme rémittente de la maladie. Ces formes agressives sont définies par la survenue d’au moins 2 poussées avec séquelles ou aggravation d’au moins deux points du score EDSS dans les 12 mois précédents et présence d’une ou deux lésions prenant le gadolinium dans les trois mois précédant le début du traitement. Elles font discuter le traitement par mitoxantrone (mais pas plus de 6 mois compte tenu du risque de risque toxicité cumulative) ou un traitement par Tysabri*.
- Dans les formes progressives d’emblée ou secondairement. D'autres immunosuppresseurs sont parfois utilisés hors AMM : le méthotrexate, l’aziathopine (Imurel*), le mycophenolate moféril (Cellecept*) ou le cyclophosphamide (Endoxan*).
LE TRAITEMENT DES SYMPTOMES
La prise en charge, nécessairement pluridisciplinaire, ne se limite pas aux seuls traitements de fond.
La prise en compte des divers symptômes qui altèrent la qualité de vie et un accompagnement psychologique et social sont indispensables.
- Des traitements symptomatiques s’imposent :
- kinésithérapie en cas de handicap permanent ;
- traitement de la spasticité (dantrolène, baclofène,...) et des douleurs (gabapentine, prégabaline, …)
- les vessies neurologiques sont sous-estimées et il faut y faire particulièrement attention car elles peuvent avoir un retentissement sur le haut appareil rénal et elles sont très gênantes dans la vie quotidienne. A la moindre suspicion, il faut demander un bilan uro-dynamlique et traiter ;
- évaluation de la fatigue, des troubles sexuels ;
- estimation des troubles cognitifs ; l’amélioration des troubles cognitifs dans la SEP est devenu un enjeu important et des prises en charge spécifiques commencent à se mettre en place.
- Le soutien psychologique est souvent nécessaire à différents moments de la maladie (annonce du diagnostic, difficultés familiales ou professionnelles, etc.). 60 % des patients se disent découragés à cause de leur maladie, l’isolement affectif et social est très répandu.
- Catherine Lubetzki précise: "Une prise en charge pluridisciplinaire de la maladie, par une équipe dédiée, permet au mieux d’aider ces patient. Elle est mise en place dans les centres spécialisés,. Au terme d’une demi-journée, souvent avec présence de l'aidant, une synthèse avec propositions de soins est adressée au médecin traitant ».
En parallèle le développement des réseaux de soins dédiés à la SEP permet, en coordonnant les interventions médicales et paramédicales, d’optimiser la prise en charge des patients.
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique