J’EXPLIQUE
• Inhalée, la nicotine se lie fortement à des récepteurs cholinergiques (“récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine”…) présents notamment dans le système nerveux central au niveau du noyau accumbens du système limbique, d’où la dépendance au tabac.
• Ces récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine, en plus de leur rôle dans la transmission neuromusculaire et motrice autonome, sont impliqués dans le contrôle des mouvements volontaires, la mémoire, l’attention, le sommeil et la veille, la douleur et l’anxiété. La fixation d’acétylcholine ou de nicotine sur ces récepteurs provoque la libération de dopamine avec une sensation hédonique (“circuit de la récompense”). En résulte un manque de plaisir et de bénéfice à l’arrêt de l’inhalation de la nicotine, générant le phénomène de manque.
• Contrairement au cannabis ou à l’alcool, la nicotine est un psychostimulant. En activant les récepteurs à l’acétylcholine, elle augmente en quelques secondes la libération de plusieurs neurotransmetteurs dont la dopamine.
• La dépendance physique se développe en quatre à six semaines. Elle se manifeste par le comportement du fumeur, influencé par la pression sociale et conviviale. Elle s’accompagne, dans des proportions variables, d’une dépendance psychologique (gérer son anxiété, se concentrer, se faire plaisir) dont les bases sont neurobiologiques.
J’INFORME
• La dépendance se traduit par un syndrome de manque à l’arrêt du tabac. Il est dû à la baisse brutale de la nicotine dans l’organisme. Les signes constatés le plus souvent sont des pulsions fortes à fumer, une irritabilité, une nervosité, une agitation, anxiété, perturbations du sommeil, humeur dépressive, troubles de la concentration intellectuelle, augmentation de l’appétit ou constipation. Ces troubles sont les principales causes des difficultés du sevrage à court terme. Ils peuvent être améliorés par la substitution nicotinique.
• Plus précoce est l’entrée dans le tabagisme, plus difficile sera le sevrage. La grande plasticité du cerveau de l’adolescent le rend hypersensible à toute imprégnation, que ce soit avec les émotions ou des substances addictives. Le « priming » définit l’imprégnation fonctionnelle et moléculaire survenant lors de la première absorption d’une drogue et qui persiste des décennies.
JE PRESCRIS
• Pour évaluer la dépendance en pratique clinique, le test de Fagerström reste le plus utilisé. Validé par l’ensemble des experts internationaux, il permet d’évaluer la dépendance physique en six questions portant sur la quantité de cigarettes que l’on fume, le laps de temps qui s’écoule entre le réveil et la première cigarette, la difficulté que l’on a à s’abstenir de fumer lorsqu’on est malade ou dans les zones non-fumeurs.
• La première question : « Au bout de combien de minutes après votre réveil fumez-vous votre première cigarette ? » est particulièrement pertinente pour évaluer la dépendance et la difficulté du sevrage. Les médicaments permettent de soulager les symptômes liés au sevrage.
• Le nombre journalier de cigarettes permet d’estimer la dose quotidienne des substituts nicotiniques (dispositifs transdermiques, formes à absorption buccale) à prescrire. Une cigarette équivaut à 1 mg de nicotine environ, en sachant que la biodisponibilité des substituts nicotiniques est moindre que celle de la cigarette (-20 %).
• La varénicline est en général prescrite en seconde intention.
• Le bupropion LP (inhibiteur sélectif de la recapture neuronale des catécholamines noradrénaline et dopamine) est rarement prescrit en France.
J’ALERTE
• La prise de poids est en moyenne de 4-5 kg pendant l’année suivant le sevrage. Il faut éventuellement rechercher une maladie associée chez les 15% qui perdent du poids.
• Il n’existe pas, en 2018, d’études méthodologiquement acceptables concluant que la cigarette électronique aiderait au sevrage tabagique. Sa pharmacocinétique s’apparente plus à la cigarette qu’aux substituts nicotiniques, avec une concentration maximale nicotinique dans le cerveau probablement très vite atteinte.
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