Réduire les risques d’addiction et de surdosage associés à la prise d’opioïdes sans « en restreindre l’accès aux patients qui en ont besoin ». Tel est l’objectif visé par les « premières recommandations détaillées » sur la prescription et la consommation d’opioïdes, publiées ce 24 mars 2022 par la Haute Autorité de santé (HAS). Des guidelines destinées non seulement aux urgentistes, médecins de la douleur, addictologues et autres spécialistes mais aussi aux médecins généralistes. « L’objectif est de faire le point sur toutes les bonnes pratiques en matière d’indications, d’instauration du traitement, de suivi et d’arrêt, de modalités d’utilisation, de durée de la prescription, d’effets indésirables et surdosages ainsi que d’informations délivrées aux patients » , précise la HAS.
« Certains pays comme les États-Unis ou l'Angleterre font (…) face à une crise sanitaire marquée par un nombre important de décès imputables à la (surconsommation d’opioïdes) », rappelle l'autorité sanitaire. Si en France, la situation semble moins problématique, une tendance à l’augmentation du recours à ces médicaments est décrite. En effet, selon l’autorité sanitaire, « en 2015, près de 10 millions de Français (soit 17,1 % de la population) ont eu une prescription d'antalgiques opioïdes, un chiffre qui serait en hausse ces dernières années ». Une dynamique de croissance qui pourrait s’intensifier encore sous l’effet du vieillissement de la population et de la diffusion des maladies chroniques. D’où la nécessité de prévenir dès aujourd’hui l’évolution vers une situation aussi problématique que celle observée à l’étranger.
Jamais de risque zéro
D’autant que comme le rappelle la HAS, avec ces médicaments, il n’y a jamais de risque 0 : toutes les prescriptions d’opioïdes sont à risque. « Quelle que soit la puissance de l'opioïde qu'il soit dit faible ou fort, la précaution s'impose : les risques de développer un trouble de l'usage ou de surdose sont communs à tous. » Ce risque augmenterait toutefois avec deux paramètres : la durée du traitement et la quantité de médicaments prescrits. « Qu'importe le type de médicament opioïde, une quantité prescrite trop importante peut s'avérer rapidement problématique », insiste l’autorité sanitaire.
Face à ces constats, pour que la prescription d’opioïdes ne soit banalisée dans la prise en charge de la douleur et pour limiter les recours inadaptés (surprescription ou posologie trop importante) à ces médicaments –, la HAS revient sur « chaque situation dans laquelle les opioïdes sont indiqués ». Et ce, des douleurs chroniques non cancéreuses (dans lesquelles les opioïdes ne sont à envisager qu’en dernier recours et non préconisés en cas de douleurs pelviennes chroniques ou musculosquelettiques et de migraine) aux douleurs chroniques cancéreuses, en passant par la douleur aiguë.
Dans un souci d’exhaustivité, la conduite à tenir dans des situations particulières et souvent absentes des recommandations traditionnelles est aussi précisée. C’est le cas de la prise en charge des douleurs chez les femmes enceintes et allaitantes, mais aussi des patients dépendants aux opioïdes, « ce qui peut arriver lorsqu’une personne augmente les doses sans avis médical ».
Quand la prescription d’opioïdes est nécessaire, il est recommandé d’instaurer le traitement de façon progressive, avec des réévaluations régulières en début de traitement afin d’ajuster la posologie et de surveiller l’apparition d’effets indésirables. Au-delà de 6 mois de traitement continu, la HAS recommande de diminuer progressivement le traitement voire de l’arrêter complètement, afin de vérifier si le traitement est toujours justifié ou si une dose inférieure suffit.
Renforcer l'information des patients
Au-delà de la prévention, la HAS revient également sur le diagnostic et le traitement du trouble de l’usage des opioïdes, sur la gestion du surdosage, ou encore sur les informations à délivrer aux patients, y compris sur l’utilisation de la naloxone. « Cette recommandation a également comme enjeu le renforcement de l’information des patients et de leur entourage par les professionnels de santé, pour réduire les risques liés au traitement par médicament opioïde », souligne la HAS.
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