Transfusion

Gestion du capital sanguin : enfin, des recommandations !

Par
Publié le 07/10/2022
Article réservé aux abonnés
La Haute Autorité de santé vient de publier des recommandations très attendues sur la gestion du capital sanguin (Patient Blood Management ou PBM) dans les établissements de santé pour la prise en charge des patients en pré, per et postopératoire ainsi qu’en obstétrique.
Le PBM diminue la morbidité, la durée d’hospitalisation et la mortalité des patients

Le PBM diminue la morbidité, la durée d’hospitalisation et la mortalité des patients
Crédit photo : Phanie

À la suite d’une saisine réalisée par sept sociétés savantes et associations de patients (1) qui travaillent depuis plusieurs années sur ce sujet, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié des recommandations de bonne pratique pour la gestion du capital sanguin (Patient Blood Management ou PBM). La mise en œuvre sur le terrain est une opportunité importante pour pallier la pénurie de sang et les risques transfusionnels.

« La démarche PBM est recommandée par l’Organisation mondiale de la santé depuis 2010, par la Commission européenne depuis 2017, et elle est déjà déployée dans certains pays comme l’Australie ou l’Allemagne avec des résultats positifs, a rappelé lors d'une conférence de presse au congrès de la Société française d'anesthésie-réanimation (Sfar) le Pr Xavier Capdevila du CHU de Montpellier, président de la société savante. L’Italie est, quant à elle, le premier pays européen à avoir intégré le PBM dans sa loi. La France va pouvoir combler son retard. »

Une amélioration de la prise en charge

Cette démarche organisationnelle innovante permet d’optimiser la prise en charge des patients devant avoir une intervention chirurgicale à risque hémorragique. Lorsqu’un programme de PBM est mis en place, il diminue la morbidité, la durée d’hospitalisation et la mortalité des patients. « En Australie, où le PBM est déployé depuis longtemps, une vaste étude rétrospective sur plus de 600 000 patients a montré une réduction de 28 % de la mortalité, de 21 % des risques relatifs d’infections associées aux soins, de 31 % des risques relatifs d’infarctus du myocarde et de 15 % de la durée de séjour (2) », a expliqué Alexandre Pitard, chef de projet sur les recommandations PBM à la HAS.

Les études menées en France ont confirmé ces résultats. Une autre conséquence de cette prise en charge améliorée est la réalisation d’économies importantes par la collectivité, du fait notamment d’une baisse de la consommation de culots de globules rouges, d’une durée moyenne de séjour optimisée et d’un risque de réhospitalisation réduit. Sur la base de l’étude Objectif Zéro Transfusion (CHU d’Angers, 2012-2018), extrapolée nationalement, pour la seule chirurgie orthopédique, l’application des protocoles de PBM permettrait d’obtenir une économie estimée à 805 euros par patient.

Limiter les situations de recours à la transfusion

Le PBM a pour principaux objectifs :

- d’éviter le recours à la transfusion de culots globulaires en dépistant et en traitant l’anémie et/ou la carence martiale en préopératoire d’une chirurgie à risque hémorragique. En présence d’une anémie par carence martiale, il est recommandé de réaliser une supplémentation en fer par voie intraveineuse. L’érythropoïétine est recommandée en préopératoire de chirurgie osseuse majeure et de chirurgie cardiaque ;

- de ne transfuser qu’en cas d’absolue nécessité (mauvaise tolérance) et généralement en respectant un seuil transfusionnel dit « restrictif » et en pratiquant une transfusion unitaire. Le seuil transfusionnel d’hémoglobine recommandé au cours de la période périopératoire est de 7 g/dl chez les patients sans antécédent particulier ;

- de maîtriser les besoins en sang, celui-ci étant réservé prioritairement aux situations où la transfusion sanguine est inévitable (anémie profonde, pertes sanguines très importantes, chirurgies non programmées, traumatologie…)

En peropératoire, l’utilisation prophylactique de l’acide tranexamique est recommandée pour diminuer le saignement. Il est également recommandé de maintenir une normothermie durant toute la période périopératoire pour diminuer les complications hémorragiques.

Après la chirurgie, le patient quitte l’hôpital après que l’équipe s’est assurée d’un bilan sanguin satisfaisant, limitant ainsi les risques de réhospitalisations. L’enjeu, désormais, est l’application de ces recommandations dans les établissements et les différents acteurs de la prise en charge. Chaque société savante et association de patients participera à leur diffusion.

(1) Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar), Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot), Groupe francophone de réhabilitation améliorée après chirurgie (Grace), Collectif national des associations d’obèses (CNAO), Association afa Crohn RCH France (AFA), Association Patients en réseau et Cerhom (Cancers masculins).
(é) MF Leahy et al, Transfusion 2017 ; 57 :1347-58.

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin