Entendus le 29 février par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la lutte contre le terrorisme, le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, et le médecin général Jean-Marc Debonne, directeur central du service de santé des armées (SSA), ont décrit des services hospitaliers civils et militaires très sollicités lors des attentats du 13 novembre 2015, mais ni désorganisés, ni saturés.
La nuit du 13 au 14 novembre, 52 blessés sont arrivés dans les hôpitaux d'instruction des armées (HIA), les premiers avant minuit dont 18 étaient en urgence absolue. « En aucun cas, nous avons été saturés. Il n'y a pas eu de mauvaise orientation - nous avons pu prendre en charge tous les blessés - ni un afflux non régulé de blessés, grâce aux techniques de catégorisation initiale » des blessés, poursuit Jean-Marc Debonne. Dès le 15 novembre, les HIA parisiens auraient pu faire face à un nouvel afflux massif, a-t-il précisé.
Préserver les capacités d'autres hôpitaux en concentrant l'afflux
En écho, Martin Hirsch a défendu une organisation qui a tenu compte à la fois de l'arrivée spontanée des blessés dans les hôpitaux à proximité des sites (Saint-Louis, Saint-Antoine) et du caractère évolutif des événements, qui exigeait de préserver les capacités d'autres hôpitaux, en concentrant l'afflux à La Pitié-Salpétrière et à l'hôpital Pompidou. Ces gros centres ont d'ailleurs pu continuer à tourner sans atteindre leurs limites : ainsi, la nuit du 13 au 14, il y a pu avoir une greffe cardiaque et rénale, a précisé le DG de l'AP-HP. « Une centaine d'urgences absolues ont été prises en charge dans nos hôpitaux. Les chirurgiens n'ont pas fait de la médecine dégradée », a-t-il insisté.
Martin Hirsch comme Jean-Marc Debonne ont précisé que les victimes des attentats ont été pris en charge dans des circuits parallèles aux urgences traditionnelles (où à l'AP-HP, la durée médiane d'attente est de 4 heures), avec des professionnels très expérimentés.
Interrogé sur la frustration des praticiens d'autres hôpitaux, sur le pied de guerre, en vain, Martin Hirsch a souligné que la régulation était une décision médicale et opérationnelle (du Pr Pierre Carli), non politique, et que la préoccupation première n'était pas d'assurer une répartition harmonieuse entre les hôpitaux, mais de sauver des vies.
Il a réfuté toute improvisation dans l'acheminement des blessés par les 130 véhicules mobilisés. « Ils ont pu être réorientés à cause de la fermeture de voies d'accès, mais les régulateurs connaissaient en temps réel la disponibilité des hôpitaux », a-t-il dit.
« Des questions se sont posées » sur l'accès des professionnels aux hôpitaux, qui n'avaient pas toujours leur carte professionnelle. « Nous travaillons à une carte d'identification des professionnels, qu'ils pourraient avoir toujours sur eux en même temps que leur badge d'accès » a-t-il ajouté.
Identification des victimes : un temps incompressible
Interrogé sur l'information aux victimes et leur identification, cibles de critiques parfois acerbes, Martin Hirsch a précisé qu'un numéro téléphonique unique a été mis en place vers 1 heure du matin, le 14 novembre. « Nous savions leur dire que le nom ne correspondait pas un patient pris en charge par l'AP-HP. On ne peut pas dire s'il est pris en charge dans un autre hôpital, ni ce qu'il est devenu » s'il est parti par ses propres moyens, a-t-il noté.
Il a assuré que les listes des victimes avaient été transmises en temps réel aux autorités sanitaires et judiciaires. « Il n'y a eu aucune rétention d'information. Le lundi, la cellule interministérielle d'aide aux victimes (CIAV) nous a demandé les informations qu'on n'avait pas (adresse, mail, téléphone des victimes et des proches), mais il n’y a pas eu de dysfonctionnement », a-t-il insisté. « La CIAV nous a demandé un travail complexe, il a fallu retourner dans les dossiers », a complété Christophe Leroy, chef du service gestion de crise de l'AP-HP.
Les responsables ont néanmoins reconnu un hiatus entre la demande sur site de l'identité par les acteurs pré-hospitaliers, et les procédures d'identito-vigilance complexes à l'arrivée à l'hôpital - un temps incompressible, tout comme celui nécessaire à l'identification des personnes décédées, ont-ils noté.
Travail en cours sur un plan blanc médicopsychologique
Martin Hirsch a reconnu qu'en termes de prise en charge médicopsychologique, l'AP-HP travaille à la réactualisation d'un plan blanc médicopsychologique. Dans l'urgence des attentats, les élus de Paris et le directeur général de la santé ont en effet ouvert des centres de proximité dans les mairies, tandis que l'AP-HP s'était plutôt préparée à l'accueil des victimes en un lieu unique (l'Hôtel-Dieu).
« Nous avons dû nous adapter tant bien que mal à la première solution », a-t-il dit, estimant que ces options méritent aujourd'hui d'être reposées. « Nous sommes prêts à organiser l'Hôtel-Dieu comme un lieu naturel pour réunir les familles et les proches », a-t-il insisté.
Huit patients sont encore hospitalisés à l'AP-HP, a enfin conclu le directeur général.
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