LORSQUE le chirurgien entre au bloc, la check-list opératoire a déjà été vérifiée. « Il s’agit bien de Madame X, réopérée de l’épaule gauche. Il n’y a pas de problème particulier pour vous ? », s’assure Solange*, l’infirmière. « Non », répond le chirurgien. L’intervention débute, Solange tend un à un les instruments tout en commentant son travail. « Pour être sûr de ne rien oublier dans le patient, il faudrait compter toutes les pinces sur la table, ce qu’on n’a pas le temps de faire. Mais cela n’arrive jamais. La radio postopératoire est systématique en orthopédie, on s’en apercevrait. » Solange esten formation pour basculer en travail de nuit. « J’ai l’amour du métier, dit-elle, mais c’est dur. L’AP-HP, c’est une usine. On n’est pas reconnu, je comprends celles qui font des extras dans le privé pour arrondir leurs fins de mois. Quand je serai IBODE, je travaillerai sur tous les blocs. Ce sera la polyvalence avec un grand P. » Quelques jours plus tôt, Solange a découvert le laser endonasal utilisé en ORL. « Je n’avais jamais fait de laser, heureusement qu’une collègue a pu m’aider à préparer le matériel. » Certains jettent l’éponge. « Je connais une infirmière devenue professeur, et une sage-femme reconvertie en psychologue. »
Tandis que le chirurgien s’attaque bruyamment à l’os de sa patiente, Alexia, infirmière intérimaire, intervient. « J’ai travaillé dans le privé, on est mieux loti dans le public. »« Tu es sûre ? », s’étonne Solange. « Les chirurgiens d’ici sont plus accessibles, détaille Alexia. Dans le privé, j’ai fait fonction de manipulateur radio sans avoir été formée aux risques des rayons. Les chirurgiens sont payés à l’acte, on n’a pas le temps de faire la check-list. »
Dans la salle d’à côté, Elisabeth, toute nouvelle dans le service, assiste à une prothèse totale de genou. « Je constate qu’ici aussi on manque de personnel, et que le programme est difficile à tenir. Des urgences doivent attendre. » Élisabeth se sent bien à l’hôpital, mais elle n’est pas sûre de rester à l’AP-HP. Les pôles ne lui conviennent pas. « J’ai changé d’hôpital en 2009 lorsque la chirurgie digestive est partie de Cochin à Saint-Antoine. Le déménagement s’est fait avant que n’ait abouti le projet de nouveau bloc. Pour trouver sa place, ça n’a pas été facile. » Actuellement, des équipes de Saint-Louis s’installent à Lariboisière. « Les médecins de Saint-Louis ont d’autres habitudes, un matériel différent. C’est très compliqué pour s’adapter », déclare Solange, dans la première salle d’opération.
Il est 10h15, une jeune femme semble perdue dans le couloir. « Je suis l’intérimaire, c’est ma première fois ici, où dois-je aller ? », dit-elle à la cadre infirmière venue l’accueillir. Six des treize postes infirmiers du bloc de chirurgie orthopédique sont vacants. La garde de Lariboisière est réputée difficile, et les infirmières n’ont pas forcément envie de prendre le RER à 21 heures. Les intérimaires sont plutôt fidèles, mais les titularisations sont rares. « Ce qui contraint celles en poste à instrumenter toute la journée sans pause, c’est épuisant », témoigne une infirmière.
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