« Client » plutôt que « patient », « entreprise » plutôt qu’« hôpital », « productivité »… Le Pr Guy Vallancien use et volontiers de la sémantique libérale, comme bon nombre de ses 550 invités réunis vendredi et samedi à Chamonix (Haute-Savoie) dans le cadre du congrès CHAM*, organisé depuis huit ans par le célèbre urologue parisien. Thème décliné cette année : l'argent de la santé…
Alors que le gouvernement vient de présenter son projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2017, des médecins, entrepreneurs et politiques se sont interrogés ce vendredi, à l'occasion d'une table ronde, sur la capacité managériale des hôpitaux. Hospices ou entreprises ? Telle était la question provocatrice… L’un des défenseurs du secteur public, Jean-Pierre Dewitte, président de la conférence des directeurs de CHU, a eu parfois du mal à convaincre l’auditoire de l'aptitude des 32 CHU français à réduire leurs coûts et à maîtriser leur déficit.
Manque d'agilité à s'adapter
« Les CHU possèdent un budget de 30 milliards d’euros pour un déficit de 209 millions d’euros, ce qui ramène le déficit global à moins de 1 %, a plaidé le président de la conférence des directeurs de CHU et patron du CHU de Poitiers. Un CHU qui dépasse la barre des 3 % ne pourra plus emprunter et sera soumis à un contrat de retour à l’équilibre. On peut même être placé sous administration provisoire ! »
L’hôpital, comme toute entreprise, est capable de mener une politique stricte de ressources humaines dans les périodes de vaches maigres, a aussi soutenu Jean-Pierre Dewitte. « C’est une fausse idée de croire qu’on ne réduit pas l’emploi à l’hôpital, a-t-il martelé. Le personnel augmente mécaniquement de 1,7 % par an alors que les recettes décroissent de 0,65 %. Des CHU ont dû supprimer 300 à 400 emplois ces deux dernières années pour tenter de revenir à l’équilibre. »
La question de la réorganisation de la carte hospitalière à la faveur des groupements hospitaliers de territoire (GHT) et du juste nombre de lits et d’hôpitaux était également au cœur des débats. Chirurgien orthopédiste à Garches (Hauts-de-Seine) dans un établissement de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) et directeur général adjoint du groupe Korian, le Dr Philippe Denormandie a déploré le manque d’« agilité à réguler et à s’adapter » de l’hôpital public, qu'il s'agisse de la gestion du personnel ou de la restructuration immobilière.
La PDS « abandonnée » aux hospitaliers
« La qualité de la prise en charge n’est pourtant pas liée au nombre de lits, a soutenu le Dr Pierre Gillet, médecin chef au CHU de Liège. En Belgique, nous avons trop de services d’urgences et trop de petits hôpitaux. L’Etat a engagé une politique de fusion entre établissements. Et ceux qui veulent se restructurer doivent fermer 25 % de leurs lits. »
Jean-Pierre Dewitte a déclaré « être d’accord » sur l’idée qu’« il y a trop d’hôpitaux en France » et « trop de passages aux urgences ». À Poitiers, le nombre de passages augmente de 7 % par an, avec un pic à 12 % en août, a-t-il illustré.
Mais le directeur du CHU de Poitiers a fait valoir que chacun devait balayer devant sa porte, ciblant la « démission du [secteur] libéral » sur la permanence des soins, « abandonnée » aux hospitaliers. « Nous travaillons 24 heures sur 24 et nous avons su nous adapter aux situations d’engorgement avec la création de filières courtes, a défendu le manager hospitalier. Nous sommes aussi en mesure de travailler avec les professionnels libéraux ». A bon entendeur.
* CHAM (Convention on Health Analysis and Management) dont « le Quotidien » est partenaire
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