LA GUERRE du recrutement des blouses blanches s’intensifie. Dans ce contexte de forte tension démographique, la loi HPST est perçue comme l’opportunité, pour chaque secteur hospitalier, de gagner en attractivité au détriment de l’autre.
Chacun joue sa carte. L’hôpital public demande des contrats pour payer davantage ses médecins, tandis que les cliniques privées tentent de dissuader le départ des médecins libéraux vers le secteur public, en rendant l’opération moins intéressante.
Philippe Burnel, délégué général de la FHP (Fédération de l’hospitalisation privée), s’explique. « La loi HPST permet aux hôpitaux publics d’employer des médecins libéraux en les payant non plus à la vacation, comme à présent, mais avec des honoraires non plafonnés. L’opération pourrait se révéler plus lucrative que le secteur 2. C’est de la distorsion de concurrence. Nous demandons à encadrer le dispositif : l’hôpital doit payer le médecin libéral sur la base du tarif conventionnel, et limiter son volume d’actes ».
À l’inverse, la FHP milite pour un salariat facilité au sein de ses structures privées. « Il ne s’agit pas de remettre en question le paiement à l’acte, garantie d’une bonne productivité, expose Philippe Burnel . Notre idée n’est pas de généraliser le salariat des médecins, mais de lui donner un cadre légal. Certains de nos médecins sont déjà salariés, c’est le seul moyen de les retenir s’ils font une activité générant peu de volume d’actes - coordination, continuité des soins... Ces salaires versés ne sont pas payés par l’assurance maladie ; c’est une perte sèche pour la clinique. On demande donc un aménagement ».
Dans le camp adverse, les arguments sont tout aussi rodés. La Fédération hospitalière de France (FHF) n’hésite pas à se montrer offensive. « Les cliniques ont peur de perdre leurs médecins, mais nous pensons que nos arguments ont plus de chance d’être entendus que les leurs, en temps de crise », déclare le délégué général de la FHF, Gérard Vincent. La FHF propose un amendement qui interdit aux praticiens hospitaliers démissionnaires de s’installer dans le secteur privé en face, pendant une période de deux ans. « Cette clause de non concurrence n’existe pas, il faut l’instaurer », précise Gérard Vincent.
Un autre amendement propose que les directeurs d’hôpital puissent recruter les médecins par contrat à la rémunération variable. « Soit la Sécurité sociale fait son travail de régulation, et alors elle réduit l’écart de rémunération entre la ville et l’hôpital, soit l’hôpital doit pouvoir payer certains spécialistes autant qu’en ville, estime Gérard Vincent . Les syndicats de médecins hospitaliers ont peur de ces contrats, mais l’hôpital n’aura pas le choix. Nécessité fait loi ».
Opposée à la formation des internes par les cliniques privées - un amendement est en préparation pour verrouiller le dispositif -, la FHF propose par ailleurs de rendre obligatoire la participation des médecins libéraux à la permanence des soins. « Si la continuité du service public l’exige », et « sous peine de déconventionnement », précise l’amendement en question.
L’éventualité que des libéraux refusent de s’impliquer dans les missions de service public ne manque pas d’inquiéter la FHP. La Fédération des cliniques propose un amendement interdisant aux médecins réfractaires de se retourner contre leur établissement. « Nous ne voulons pas qu’un médecin réclame une indemnisation à sa clinique pour rupture de contrat, au motif qu’il est venu faire du programmé et non des gardes et astreintes », précise Philippe Burnel.
Reste à voir ce que les parlementaires retiendront de toutes ces propositions d’amendements.
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