La fin de l'année n'est pas synonyme de fêtes pour tout le monde. Pour dénoncer la grande précarité liée à leur statut, une cinquantaine de médecins à diplôme étranger (Padhue) se sont retrouvés ce jeudi 21 décembre devant le ministère de la Santé. Après un premier rendez-vous jugé infructueux avec le cabinet d’Agnès Firmin Le Bodo, les représentants des syndicats UFMICT-CGT, SUPADHUE et de l’association IPADECC attendent toujours une solution pour les praticiens non lauréats aux épreuves de vérification des connaissances (EVC) et ne satisfaisant pas aux critères de la loi de régularisation de juillet 2020.
Pour rappel, le nouveau statut de praticien associé est censé remplacer progressivement les statuts antérieurs – praticien attaché associé (PAA) et d’assistant associé (AA) – en voie d'extinction définitive. Conséquence, au-delà du 31 décembre 2023, les Padhue qui ne seront pas lauréats des EVC 2023 se retrouveront le bec dans l'eau.
« Tous les PADHUE qui font l’objet d’une extinction de leur cadre doivent se voir garantir le renouvellement de leur contrat avec un niveau salarial supérieur au statut de praticien associé et le renouvellement de leur contrat après le 31 décembre 2023 », ont écrit les trois organisations dans un courrier adressé à l'ancien ministre de la Santé Aurélien Rousseau, le 14 décembre.
Ce jeudi, sous les fenêtres d'Agnès Firmin Le Bodo à son tour dans la tourmente, chaque manifestant témoigne de vécus tout aussi douloureux que kafkaïens. À l’instar de Djaafar, médecin anesthésiste dans un service d’urgence en région parisienne, qui ne parvient pas à réaliser son parcours de consolidation de compétences (PCC, prévu par le dispositif Stocks) faute, notamment, de maîtres de stages. « Nous sommes plus de 1 000 PADHUE dans ce cas. Quelles que soient nos situations, elles sont toutes extrêmement précaires », se désole-t-il.
Salaire mensuel de 1 500 euros
Les résultats des EVC posent par ailleurs question. Sur les 537 postes ouverts en médecine générale « seuls 240 seront pourvus car le jury a fixé la note éliminatoire à 10/20 alors qu’il était d’usage de l’établir à 6 sur 20. D’autres spécialités seront dans le même cas. C’est la détresse à tous les étages », exprime le Dr Éric Tron De Bouchony (UFMICT-CGT).
Les organisations syndicales et associatives s’inquiètent du fait que de plus en plus de praticiens reçoivent des obligations de quitter le territoire français (OQTF). « Depuis 2022, il n’y a plus aucune création de poste de PAA puisque le statut est voué à l’extinction fin 2023. Des PADHUE ont été recrutés en qualité de faisant fonction d'interne, avec un salaire net de 1 535 euros par mois. Et aujourd’hui, on menace de les expulser », s’indigne le Dr Tron De Bouchony. « Je viens de recevoir l’appel d’une cardiologue qui travaille depuis cinq ans à l’hôpital public. Son autorisation de renouvellement d’exercice a été refusée par la préfecture. Elle va se retrouver à la rue », illustre le Dr Mehdi Smati, président de l’association IPADECC.
Disette
Si une délégation de manifestants a été reçue en début d’après-midi par Sophie Augros, chargée de mission auprès d'Agnès Firmin le Bodo, aucune véritable avancée n’est à souligner.
« Madame Augros a mentionné les dispositions de la loi Valletoux, votée mi-décembre explique le Dr Éric Tron De Bouchony. Au cours du premier semestre 2024, un dispositif régional d’autorisation d’exercice de 13 mois, renouvelable une fois et ouverte aux PADHUE vivant à l’extérieur et à l’intérieur du territoire, sera mis en place. Le niveau régional peut être intéressant en ce qu’il permettra de prendre en considération les besoins locaux, mais nous serons très vigilants sur le nouveau statut qui sera proposé. Cela étant précisé, aucune solution n’a été trouvée pour la période de disette et de surprécarité à venir. Que vont devenir les praticiens dont les contrats ne sont pas renouvelés ? »
La mobilisation devrait donc se poursuivre en janvier « pour régler les cas individuels dans l’attente de la mise en place du futur dispositif », conclut le Dr Éric Tron De Bouchony.
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