Alors que de plus en plus de femmes choisissent la chirurgie comme spécialité, comment cela se concilie avec leur désir d’enfants ? C’est à cette question que Erika L. Rangel et coll. (Brigham and Women's Hospital, Boston, États-Unis) ont essayé de répondre en interrogeant 850 chirurgiens d’âge médian 40 ans (692 femmes et 158 hommes dont les compagnes ont été considérées comme témoins). Les chirurgiennes avaient moins d'enfants que leurs confrères masculins (moyenne 1,8 vs 2,3 ; p < 0,001). Elles étaient en outre plus susceptibles de retarder leur réalisation de maternité en raison de leur formation (65,0 % contre 43,7 % ; p < 0,001) : de ce fait, l’âge moyen de la première naissance était de 33 ans (31-36) contre 31 ans (29-34) pour les témoins (p < 0,001). Autre conséquence d’un choix de grossesse tardive, le recours à la procréation médicalement assistée est plus fréquent chez les femmes chirurgien que chez les témoins : 172 sur 692 (24,9 %) contre 27 sur 158 (17,1 %) (p = 0,04). Les auteurs parlent d’infertilité involontaire.
Plus de complications majeures de la grossesse
Par rapport aux partenaires féminines de leurs confrères, les chirurgiennes étaient plus susceptibles de présenter des complications majeures de la grossesse (311 sur 692 [48,3 %] contre 43 sur 158 [27,2 %] ; p < 0,001). Parmi les 692 chirurgiennes interrogées, 347 avaient subi au moins une fausse couche dont 244 à moins de 10 semaines de gestation, 92 entre 10 et 20 semaines de gestation et 11 après 20 SA (enfant mort-né).
Après une fausse couche, 225 des 336 femmes (75 %) ne se sont pas absentées du travail, et après la perte d’un enfant mort-né, 5 des 11 femmes (45 %) ont pris une semaine ou moins d’arrêts de travail.
Les auteurs ont aussi constaté que 57 % des chirurgiennes travaillaient plus de 60 heures par semaine pendant la grossesse et que 37 % d’entre elles répondaient à plus de six appels par nuit lorsqu’elles étaient d’astreinte. Ce sont les chirurgiennes qui ont opéré 12 heures ou plus par semaine au cours du dernier trimestre de grossesse qui étaient plus à risque de fausses couches (RR1,57 ; IC à 95 %, 1,08 - 2,26).
Même en cas de complications de la grossesse, les chirurgiennes étaient réticentes à prendre des arrêts maladie (115 sur 692 [22,1 %] contre 30 sur 158 pour les témoins [36,1 %] ; p = 0,005).
Une reprise du travail précoce
Autre constat tiré de cette étude, les chirurgiennes étaient plus susceptibles de devoir subir une césarienne non élective (170 sur 692 [25,5 %] contre 24 sur 158 [15,3 %] ; p = 0,01). Enfin la dépression post-partum était plus fréquente chez les femmes chirurgiens (77 sur 692 [11,1 %] contre 9 sur 158 [5,7 %] ; p = 0,04). Il faut dire que la reprise du travail est particulièrement précoce (moins de six semaines après l’accouchement) et que la conjonction des nuits difficiles en famille et de la reprise des gardes représente une phase très difficile à gérer en l’absence d’aide familiale.
Erika L. Rangel explique qu’aider les chirurgiennes à s’épanouir dans leur désir d’enfants pourrait leur permettre d’envisager cette carrière plus longtemps qu’actuellement. Leur permettre de diminuer les heures de travail en accomplissant peut-être des tâches administratives pendant quelques mois serait une solution pour que l’engagement de ces femmes ne soit pas rompu par les complications de la maternité.
Reste qu’aux États-Unis – comme en France – l’absence d’une interne ou d’un chef de clinique pour raison de maternité fait peser sur les collègues le poids des gardes et interventions non réalisées par une personne planifiée à l’avance sur des plages horaires élargies. Puisqu’aux États-Unis ce sont les employeurs qui décident de la durée de l’arrêt maternité, les auteurs suggèrent que des postes de remplaçants maternité soient budgétés pour faciliter l’épanouissement des chirurgiennes.
*Rangel E, Castillo-Angeles M, Easter S et coll. Incidence of Infertility and Pregnancy Complications in US Female Surgeons. JAMA Surg. 2021;156(10):905-15. doi:10.1001/jamasurg.2021.3301
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique