Le dialogue social entre les praticiens hospitaliers (PH) et le ministère a du plomb dans l’aile. À l’unisson, les syndicats représentatifs des PH dénoncent des discussions « au point mort ».
La valse des ministres depuis le début du deuxième quinquennat et le superministère qui a émergé du dernier remaniement ne facilite pas la tâche des syndicats. Entre la ministre de tutelle Catherine Vautrin, son délégué à la Santé Frédéric Valletoux et jusqu’à Emmanuel Macron qui n’est pas le dernier à se piquer de santé, à quelle porte toquer ? Lassé d’attendre devant celle de Frédéric Valletoux et sans nouvelle de Catherine Vautrin malgré une rencontre, l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) est même allée jusqu’à Matignon en début de semaine pour faire entendre sa voix et dépasser les blocages.
Arrêt des négos depuis un an
« Les discussions avec la tutelle ont eu lieu en gros jusqu’à mai 2023 avec le ministre d’alors, François Braun, mais depuis, tout est à l’arrêt, confirme le Dr Norbert Skurnik (CMH). Du jour au lendemain, tout a été abandonné. Le manque de financement serait à l’origine de cette situation. » Il y a quand même eu l’intermède Aurélien Rousseau, rencontré à plusieurs reprises et « qui a dit plein de bonnes paroles » aux syndicats, ironise le Dr Skurnik.
Figure historique du syndicalisme médical à l’hôpital, la Dr Rachel Bocher (INPH) affiche sa perplexité en face de ce drôle d’immense ministère, où la santé n’est qu’une brique parmi d’autres. La psychiatre nantaise fait remonter le manque de communication entre l’hôpital et l’État au discours d’Emmanuel Macron lors de ses vœux 2023 au monde de la santé. Déjà, se souvient-elle, la méfiance était à l’œuvre face à un propos présidentiel « sans vision, ni cap ». « Le système de santé va mal et en un an, rien n’a bougé, déplore la médecin. Le premier geste à faire aujourd’hui serait au moins d’ouvrir un dialogue avec les organisations syndicales et de lancer de véritables politiques publiques en direction des hôpitaux. »
Instabilité politique et électorale
Même impression de statu quo pour le Pr Frank Boudghene (Snam-HP), pour qui la période actuelle est instable. Entre la constitution du cabinet de Frédéric Valletoux, qui a pris des semaines, et l’entrée dans une campagne électorale qui s’annonce tendue (les élections professionnelles auront lieu du 11 au 18 juin 2024), les syndicats de PH sont à couteaux tirés. Le manque ressenti d’écoute et de retour de la part de leurs ministres de tutelle en ajoute une couche. « C’est curieux, alors que nous sommes en pleine période électorale que Catherine Vautrin reçoive un syndicat (APH) et pas les autres », jette la Dr Rachel Bocher, pince-sans-rire.
Si les syndicats de PH poussent pour être entendus, c’est que les chantiers s’amoncellent. En tête de gondole : le temps de travail et l’attractivité des carrières. Le Pr Boudghene juge la reprise des négociations sur la permanence des soins « primordiale ». Le Dr Yves Rébufat (APH) s’agace pour sa part de la non-symétrie de traitement entre les astreintes et les gardes. Alors que ces dernières ont été revalorisées par François Braun en 2023 puis pérennisées début 2024, aucun geste n’a été fait pour les astreintes, malgré des discussions entamées.
La question de la valorisation des métiers est elle aussi jugée cruciale. Depuis la fin du Ségur, seuls les débuts et fin de carrière ont été revalorisés, laissant « dans le fossé ceux qui étaient au milieu », regrette le Dr Yves Rébufat. Qui ajoute : « Ces négos ont été catastrophiques pour nous. Nous demandons une correction. Sinon ces PH n’atteindront jamais le dernier échelon de la dernière grille. »
Les négociations sur les retraites ont débouché sur un résultat très décevant
Dr Norbert Skurnik, CMH
Dernier point d’achoppement : les retraites des hospitalo-universitaires, un sujet technique sur lequel le gouvernement a avancé des solutions fin 2023 loin de satisfaire les syndicats, certes divisés sur le chemin à prendre. « Les négociations sur les retraites ont débouché sur un résultat très décevant », tacle le Dr Skurnik.
Alors que plusieurs nouvelles rencontres étaient planifiées au premier trimestre 2024 pour peaufiner l’entrée en vigueur de la réforme prévue en septembre 2024, aucune réunion ne s’est tenue. « Rien ne se passe, c’est une honte, tempête aussi le Dr Jean-François Cibien (APH), très engagé sur le sujet. Le gouvernement joue le pourrissement. » Ambiance.
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