La dernière grève des directeurs d’établissement de la fonction publique hospitalière remonte à 2016. « Ce mouvement est assez rare pour être remarqué », insiste Lionel Pailhé, secrétaire général adjoint du Syncass CFDT dont le syndicat a déposé un préavis de grève pour le 19 octobre, avec FO cadres hospitaliers et l'UFMICT CGT. Cet appel concerne les trois corps de directeurs – d'hôpital (DH), d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (D3S) et des directeurs des soins (DS) – mécontents de l'enlisement statutaire actuel, dans le contexte de la réforme de la haute fonction publique (et de sa transposition à l'ensemble des corps de direction de la FPH).
Le Syndicat des manageurs publics de santé (SMPS) s’est en revanche désolidarisé du mouvement. Il estime que « la grève doit être réservée à des circonstances et situations exceptionnelles comme les violences directes à l’encontre des responsables publics ».
Malgré cette absence d'unanimité, une colère inédite gronde chez les managers. Y compris chez les jeunes en formation, dont 85 % sont prêts à se mobiliser. Cet été, 116 élèves directeurs « D3S » de l'École des hautes études en santé publique (EHESP) ont signé un courrier aux ministres concernés pour exprimer leurs inquiétudes au sujet de leurs perspectives de carrière et de statut.
Calendrier non tenu
Le motif de ce courroux exceptionnel ? Le décalage entre les engagements du gouvernement et la traduction de la réforme de la haute fonction publique dans ces corps de direction. Isabelle Sarciat-Lafaurie, D3S et secrétaire générale adjointe du Syncass-CFDT, souligne que, lors du congrès Santexpo de mai dernier, une rencontre informelle avec Stanislas Guérini avait abouti à la promesse du ministre de la Fonction publique que la réforme de la haute fonction publique serait bien appliquée à tous les corps de direction hospitaliers, avec des avancées concrètes.
Mais six mois plus tard, la déception est forte, avec un calendrier non tenu et un statu quo statutaire préjudiciable. Début juillet, les syndicats ont claqué la porte des négociations, soulignant que les quelques mesures proposées par l'exécutif aboutissaient à un décrochage du statut des D3S. Et lors d’une réunion le 10 octobre au ministère de la Fonction publique, du retard à l’allumage a été constaté à nouveau dans l’application de la réforme – au lieu du 1er janvier 2024, le ministère évoquerait le mois de mars…
Les directeurs à l'épreuve
Dans ce contexte, Lionel Pailhé (Syncass CFDT) dénonce à la fois des propositions « faites à l’emporte pièce et de façon décoordonnée entre les différents corps, sans logique d’ensemble » et des pistes d'évolution « inacceptables pour nos collègues D3S ». Or, les corps des DH et des D3S travaillent souvent main dans la main. « Nous avons une porosité complète des métiers et fonctions », ajoute-t-il.
Ces atermoiements interviennent alors que les défis s'accumulent pour les directeurs, parfois au bord de l'épuisement. Les établissements sanitaires et médico-sociaux font face à une « dégradation inédite de leur situation financière, à des fermetures d’activités ou de structures, à la multiplication des intérims, expliquent les trois syndicats grévistes. À cela s’ajoute la perte d’attractivité des emplois du secteur… »
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