Le 19 janvier, la manifestation d’une centaine de médecins devant le ministère de la Santé, rue de Ségur, avait abouti sur… une rencontre entre les représentants des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) et des conseillers du ministère. À la clé, la promesse d’une issue positive, dans la foulée de l’engagement d’Emmanuel Macron d’aller vers la régularisation de « nombre de médecins étrangers qui tiennent parfois à bout de bras les services de soins ».
C’est chose faite avec la double annonce, lundi 22 janvier, de Catherine Vautrin, nouvelle ministre du Travail et de la Santé, d’une part de prolonger pendant plusieurs mois les quelque 2 000 à 3 000 médecins directement menacés de perdre leur poste depuis le 1er janvier (le temps pour eux de repasser les épreuves de vérification des connaissances – EVC) et d’autre part de conserver dans leurs fonctions actuelles les lauréats des EVC 2023, soit environ 2 700 médecins.
Demi-mesure ?
La situation semble ainsi clarifiée, du moins pour les médecins déjà lauréats des EVC, ce concours très sélectif qui leur permet d’être titularisés, et aujourd’hui seule procédure pour obtenir l’autorisation d’exercice pleine et entière. « Pour garantir la continuité des soins et ne pas désorganiser les services hospitaliers dans des zones souvent en tension, les lauréats exerçant déjà sur le territoire national (en métropole comme en Outre-mer) seront maintenus dans leurs fonctions et dans leurs structures actuelles », souligne le ministère. « Les autres lauréats choisiront leurs postes dans les prochaines semaines, en vue de leur affectation d’ici à la fin du premier trimestre », précise-t-il.
Pour les milliers de médecins qui ont échoué aux EVC, hormis la garantie importante que leur contrat ne prendra pas fin dans un futur immédiat, il n’y a pas d’avancée pérenne sur leur statut, qui reste précaire. Ces médecins (urgentistes, obstétriciens, psychiatres, etc.) pourront toutefois bénéficier d’autorisations pour continuer de travailler dans les hôpitaux en France « durant les mois à venir », jusqu’à la publication des textes d’application de la loi Valletoux sur l’accès aux soins « qui permettra la délivrance d’attestations provisoires d’exercice dans l’attente d’un nouveau passage des EVC en 2024 ». La précédente procédure dérogatoire transitoire qui autorisait l’exercice sous divers statuts précaires s’est arrêté au 31 décembre.
Les EVC, système complexe et difficilement gérable, selon les doyens
Pour autant, la nouvelle voie unique des épreuves EVC très sélectives – couplée à la délivrance d’attestations provisoires pour les derniers contingents de praticiens en échec – ne rassure pas les hospitaliers. Nombre d’experts considèrent que le problème de la précarité des Padhue a été en partie reporté à plus tard et des praticiens pointent aussi le décalage entre les discours et certaines réalités de terrain.
Selon le Dr Olivier Varnet, neurologue à l’AP-HP et porte-parole du SNMH-FO, « les Padhue n’ont pas démérité, ils tiennent le système de santé parfois à bout de bras et n’ont toujours pas de reconnaissance officielle ». Le neurologue salue le geste du gouvernement mais regrette le maintien dans la précarité statutaire et financière de centaines de Padhue. La CGT santé et action sociale ajoute que des licenciements ont été opérés dès le 31 décembre 2023, ce qui a mis fin à nombre de contrats de praticiens « échappant aux radars du ministère de la Santé ».
Pas en reste, la conférence des doyens de médecine déplore que le quota de postes ouverts aux EVC ait été « divisé par région et par discipline médicale rendant le système complexe, difficilement prédictible et gérable, créant de facto des écarts entre les besoins et les postes ainsi fléchés, entraînant des conséquences délétères à cause du nombre insuffisant de postes attribués ». Par ailleurs, la conférence souligne l’insuffisance du nombre de maîtres de stage ou l’incapacité des établissements de santé à financer ces stages pour prendre en charge les Padhue dans leur parcours de consolidation de compétences, spécialement en neurochirurgie et néphrologie. Quant aux praticiens en poste mais ayant échoué aux EVC, nombre d’entre eux risquent encore de se retrouver dans des conditions « difficiles, voire inhumaines et induire des difficultés insurmontables pour certains services ».
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