Quels sont les facteurs d'attractivité et de démotivation en psychiatrie ? Pour le savoir, le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) a envoyé en février 2023 un questionnaire anonyme (46 questions) à 5 249 psychiatres du service public. Une enquête nationale « sans précédent »* qui montre que la permanence des soins et les soins sans consentement sont des facteurs directs de pénibilité.
L’absence d’espace d’apaisement, de chambres dédiées pour les mesures d’isolement ou de contention participe aussi à aggraver la pénibilité, analysent les auteurs de l’enquête. Ils pointent également « l’insuffisance de moyens » en psychiatrie et « les contraintes paradoxales dans lesquelles sont piégés les praticiens ».
Interrogés sur leur satisfaction globale au sujet de leur activité, les psychiatres hospitaliers attribuent une note moyenne de 5,7/10. Près d'un sur cinq (17,5 %) éprouve une insatisfaction massive (avec des notes comprises entre 0 et 3/10). Et les professionnels très satisfaits sont minoritaires (moins de 18 % déclarent des notes de 8 à 10/10).
L’enquête ajoute que de nombreux confrères « pensent plus ou moins régulièrement à quitter leur poste ». Si certains envisagent de muter dans leur établissement ou dans un autre établissement, la part la plus significative – parmi ceux qui songent souvent à quitter leur poste – imaginent partir en cabinet (28,48 %) ou en clinique (16,15 %), travailler en intérimaire (16,28 %), avancer leur départ en retraite (15,81 %) ou même changer de métier (15,35 %).
Attractivité versus contraintes
L'enquête a testé les facteurs d'attractivité et de pénibilité dans l'exercice des psychiatres hospitaliers. Les points positifs cités sont l'activité clinique et le travail d’équipe, mais aussi les activités d’enseignement et celles d’intérêt général. En revanche, l’activité d’expertise apparaît « toujours aussi peu attractive », au même titre que les activités institutionnelles ou les tâches administratives.
Mais sans surprise, la pénibilité porte avant tout sur « la permanence des soins, les soins sans consentement, la surcharge permanente de travail et le manque de moyens ». La gouvernance hospitalière est également mise en cause dans une moindre mesure.
L’enquête revient également sur la fragilité et l’instabilité des équipes médicales. Près de 25 % des psychiatres répondants déclarent n’avoir pas de titulaire dans leur service, un tiers d’entre eux sont dans l’attente du remplacement d’un médecin titulaire en arrêt depuis plus d’un mois. De graves difficultés de démographie médicale qui « posent des problèmes de cohésion d’équipe et de connaissance des patients » et ont un impact sur « la permanence des soins, les possibilités de repos de garde et de récupération, l’exercice des droits aux congés, la formation », analysent les auteurs.
Les semaines des PH interrogés sont particulièrement chargées, avec une moyenne estimée à 44 heures dans le service, auxquelles s’ajoute du travail au domicile. Quant à la bonne conciliation vie privée/vie professionnelle, elle est inférieure à la moyenne, du point de vue de l’organisation du temps (4,23/10) et mais aussi du fait de la charge mentale (3,99/10).
Les répondants se disent particulièrement « en difficulté » pour poser les repos de lendemain de garde, récupérer après une astreinte dérangée en nuit profonde, prendre leurs RTT (un tiers des répondants) et leurs congés formation (près de la moitié des répondants), voire les arrêts maladie…
Quels leviers ?
Pour redonner de l’attractivité aux psychiatres publics, l’enquête suggère de revaloriser la permanence des soins, un des sujets à l'ordre du jour des discussions avec le ministère. Dans un contexte où les accords du Ségur sont toujours majoritairement perçus comme une injustice (63 %) et un facteur de démotivation (67 %), le rattrapage des quatre ans d’ancienneté « perdus » (pour les PH en milieu de carrière) fait également partie des leviers d’attractivité. Autres pistes évoquées : une « indemnité d’activité de première ligne » ou le fait d'attribuer « plus simplement » l’IASL (indemnité d’activité de secteur et de liaison).
Si la revalorisation de la grille salariale des PH et de la PDS est jugée « nécessaire » pour favoriser l’attractivité, elle ne sera pas suffisante, estiment les auteurs. Ceux-ci réclament un financement digne de ce nom de la psychiatrie, un « équipement minimum de base en ressources humaines » et « l’évolution de la gouvernance hospitalière ».
* 1 168 professionnels ont participé à l’enquête. Parmi eux, 1 086 psychiatres (psychiatrie générale, psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, psychiatrie en milieu carcéral…) rattachés à différents types d’établissements (CH, CHU, EPSM, ESPIC…) sur l’ensemble du territoire. Une majorité d’entre eux sont des PH qui ne sont pas syndiqués.
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique