Après l’enthousiasme des débuts est venu le temps de la vigilance. Annoncée cet automne, la très attendue réforme de la retraite des hospitalo-universitaires (MCU-PH et PU-PH), qui doit entrer en application au 1er septembre 2024, a laissé un goût d’inachevé aux syndicats hospitaliers. Qui, après avoir fait marcher leur calculette, ne s’y retrouvent pas dans les comptes du ministère de la Santé.
Concrètement, les pouvoirs publics veulent modifier le régime de cotisation des 6 300 hospitalo-universitaires titulaires en activité (dont 70 % de PU-PH). Actuellement, les HU sont affiliés au système de retraite de l’État (SRE) pour la partie universitaire de leur activité. Jusque-là, pas de problème.
Pour la partie hospitalière, ils abondent à titre facultatif et en respectant un plafond leurs plans d’épargne-retraite privés (de type Préfon ou Corem). Leurs émoluments sont aussi pris en compte au titre du régime additionnel de la fonction publique (RAFP), mais de façon très limitée. Le cumul des deux dispositifs génère des droits à la retraite jugés insuffisants par les HU. Ce que ne contestent pas leurs ministères de tutelle (Enseignement supérieur, Santé), qui estiment que leur taux de remplacement s'élève à 30 % du dernier salaire.
Afin de rendre plus attractive la filière HU, le gouvernement veut donc affilier les titulaires à l'Ircantec pour mieux prendre en compte leurs émoluments hospitaliers dans le calcul de leur retraite.
Quelques perdants
En étant affilié à l’Ircantec, le taux de cotisation pour la part salariale sera de 5,21 % (et 9,5 % pour la part employeur) avec comme assiette l’ensemble des rémunérations perçues. « Il s’agit d’un taux de cotisation unique, quel que soit l’âge du cotisant, qui augmente avec la durée de la carrière, avec un mécanisme d’avancement d’échelons, comme pour la plupart des agents de la fonction publique », souligne la DGOS. En fin de carrière, « les cotisations sont plus importantes, mais le taux de retour sera plus élevé dans le versement », précise-t-elle.
Le ministère a fondé ses calculs sur le parcours moyen d’un HU (titularisation à 37 ans, 172 trimestres cotisés, départ à la retraite à 66 ans et 9 mois) pour arriver à un taux de remplacement sur une carrière complète de 44,5 %, identique à celui des praticiens hospitaliers (PH). Si la majorité des HU y gagne, « même ceux qui vont commencer à cotiser à l’Ircantec à quelques mois du départ à la retraite », la DGOS reconnaît qu’il y aura tout de même quelques perdants du côté des 33 % de HU qui n’ont jamais cotisé à un contrat d’épargne retraite.
Un taux affiché « faux et insincère »
C’est bien ce qui inquiète le Syndicat des hospitalo-universitaires (SHU). Selon son président, le Pr Guillaume Captier, le taux affiché de 44,5 % utilisé comme point d’arrivée par le ministère « est faux et insincère ».
Le chirurgien avance trois motifs. D’une part, contrairement aux HU, les PH peuvent inclure leurs primes, gardes et astreintes dans leur droit à la retraite, ce qui fait monter leur taux entre 50 % et 55 % selon les situations. Ensuite, les PH cotisent obligatoirement au régime général de la Sécurité Sociale (CNAV) tout au long de leur carrière, ce qui n’est pas le cas des HU. Cette spécificité n’est pas prise en compte dans les calculs de la DGOS, juge-t-il. Enfin, le ministère a également eu le tort de choisir comme base de travail un profil de PU-PH dans les derniers échelons de la carrière qui ne sont, selon lui, rarement voire jamais atteints. Autant d’arguments que la DGOS conteste.
Allié aux autres syndicats hospitaliers, le SHU avance une autre piste de réforme : s’affilier à 100 % au SRE ou, à défaut, utiliser un taux de l’Ircantec existant (à savoir le B), ce qui donnerait un taux de remplacement de 49,2 % (au lieu des 44,5 % envisagés). Droite dans ses bottes, la DGOS estime là encore que « l’utilisation de taux de cotisation existants (tranche A ou B) ou du système du SRE n’aurait pas permis – au-delà des difficultés techniques réelles – d’assurer cette équité de traitement en matière de taux de remplacement entre les personnels médicaux ».
Malgré les reproches des syndicats, la réforme semble sur les rails. Manquent les décrets d’application, qui doivent voir le jour au printemps. Si la DGOS accepte le principe d’échange pour « lever des incompréhensions, répondre à des interrogations factuelles et vérifier des effets de bord qui n’auraient pas été anticipés », pas question de revenir sur le taux de remplacement ou le niveau de cotisation. La fenêtre de négociations s’annonce ténue.
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