Revoir la sécurité dans les laboratoires, les abattoirs...

Chez la souris, les prions en aérosols sont dangereux

Publié le 17/01/2011
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Crédit photo : AFP

DE NOTRE CORRESPONDANTE

« NOS RÉSULTATS montrent que les aérosols constituent une voie étonnamment efficace de transmission du prion  », estime l’équipe codirigée par le Pr Adriano Aguzzi (Université de Zurich, Suisse) et le Pr Lothar Stitzportes (Université de Tubingen, Allemagne), dans une étude publiée dans la revue « PLOS Pathogens ».

Les encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) sont des maladies neurodégénératives fatales caractérisées par la conversion d’une protéine prion cellulaire normale (PrPc) en une forme mal repliée, PrPsc, qui est pathogène et infectieuse.

On savait que les prions (PrPsc) pouvaient être transmis par de nombreuses voies : orale, parentérale (I. V., I. M., intrapéritonéale), intranasale, intralinguale, transdermique et intracérébrale (la plus efficace). On sait aussi que la salive, le sang, le lait, le placenta, l’urine et les matières fécales peuvent contenir des taux élevés de prions infectieux. Toutefois, leur potentielle transmission aérienne n’avait fait l’objet d’aucune étude approfondie car les prions ne sont généralement pas considérés comme des agents aéroportés, par opposition à de nombreux virus comme ceux de la grippe et de la varicelle.

Dans leur étude, Haybaeck et coll. ont examiné chez la souris la propagation du prion après exposition par aérosols. En pratique, des souris ont été placées en chambre d’inhalation où elles étaient exposées à des aérosols de prions, produits au moyen d’un dispositif nébuliseur à partir d’homogénat cérébral de souris atteinte de scrapie avancée.

De façon surprenante, l’exposition aux aérosols pendant une minute suffit à induire la maladie chez 100 % des souris. Plus l’exposition aérienne est longue, plus le temps d’incubation est court avant l’apparition des symptômes. L’infection par aérosols survient chez des souris normales de diverses origines génétiques.

L’infection survient également en l’absence de cellules immunes, comme le démontrent des expériences conduites chez des souris déficientes en cellules B, cellules T, et cellules dendritiques folliculaires, et des souris déficientes en complément ou en signal lymphotoxine.

De plus, les souris transgéniques NSE-PrP, qui expriment le prion normal PrPc uniquement dans les neurones, sont aussi sensibles à l’infection par les aérosols.

Par conséquent, concluent les chercheurs, « l’exposition par voie aérienne aux prions est très efficace et peut conduire à l’invasion directe des voies neurales, sans phase de réplication obligatoire dans les organes lymphoïdes ». Les prions aéroportés coloniseraient directement le cerveau, en empruntant la voie des neurones olfactifs qui partent de l’épithélium olfactif tapissant la cavité nasale.

Revoir biosécurité et normes sanitaires.

Cette nouvelle voie de transmission du prion met l’accent sur un facteur de risque jusqu’ici sous-estimé pour le personnel de laboratoire et le personnel de l’industrie de traitement des viandes.

Selon un communiqué de presse issu du laboratoire du Pr Aguzzi, les mesures de précaution dans les laboratoires, les abattoirs et les fabriques d’aliments pour animaux, n’ont généralement pas inclus des mesures de protection strictes contre les aérosols.

« Il pourrait être approprié de revoir les lignes de conduites actuelles de biosécurité et les normes sanitaires vis-à-vis du prion dans les laboratoires diagnostiques et scientifiques qui sont potentiellement confrontés à du matériel infecté par le prion », recommandent les chercheurs.

Il reste maintenant à savoir si la production d’aérosol dans la nature pourrait suffire à causer une transmission du prion. Les futures études devraient se pencher sur cette question.

PLOS Pathogens, Haybaeck et coll., 14 janvier 2011

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8886