Le mardi 23 avril, un premier communiqué de l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) condamne « avec la plus grande fermeté » deux agressions à l’encontre de ses professionnels, qui ont eu lieu la semaine précédente. Le lendemain, « UP DATE » : un second communiqué confirme une nouvelle agression envers des soignants. En l’espace d’une semaine, six femmes, dont cinq soignantes de l’AP-HM – une médecin, deux sages-femmes et deux infirmières – ont été agressées par des patients souffrant de troubles psychiatriques dans différents services de l’hôpital Nord.
Cette série noire que tous déplorent relève d’un concours exceptionnel de circonstances, affirment de concert la direction de l’hôpital Nord, la commission médicale d’établissement locale (CMEL), Force ouvrière (FO), le syndicat majoritaire à l'AP-HM et la CGT. « La situation est préoccupante, c’est évident », souligne Jeanne de Poulpiquet, directrice de l’hôpital Nord. « Néanmoins, elle n’est pas le reflet du quotidien des professionnels qui interviennent à l’hôpital Nord. Dans les trois cas, on s’est retrouvé face à des situations que malheureusement, on peut difficilement anticiper, si ce n’est en en parlant et en travaillant avec les équipes, comme on le fait actuellement », renchérit la responsable.
Crainte de la stigmatisation
« On n’a pas plus de violences qu’ailleurs », insiste le Pr Stéphane Berdah, chirurgien digestif et président de la CMEL. « L’hôpital Nord n’est pas un coupe-gorge, j’y travaille depuis quarante ans. » Par contre, « si avant, l’hôpital était un sanctuaire dans lequel la violence ne rentrait pas, ça, c’est terminé. Il est encore un peu protégé mais le tabou de la violence contre les professionnels de santé est tombé », ajoute ce dernier.
En 2023, l’AP-HM a recensé 437 atteintes aux personnes sur ses agents, dont 63 % d’injures, insultes ou provocations, 22 % de menaces et 15 % d'agressions physiques
« On n’est pas en dehors de la société et la société est de plus en plus agressive », constate également Pascale Jourdan, secrétaire générale de la CGT AP-HM. « Aujourd’hui, tous les hôpitaux sont concernés et tous les services », souligne son homologue de FO, Audrey Jolibois. « Il ne faut surtout pas stigmatiser un site hospitalier par rapport à un autre, ni considérer que c’est dangereux de travailler d’un côté plutôt que de l’autre car dans les faits, les incidents peuvent arriver partout », poursuit-elle.
Stratégie de « tolérance zéro »
D’après les chiffres communiqués à l’automne par l’AP-HM lors de la présentation du plan d’action pour améliorer la sécurité des professionnels de santé, l’hôpital Nord recensait 264 atteintes aux personnes en 2023, le double de La Timone (134) et en augmentation par rapport à 2022. Selon la direction, cet écart s’explique paradoxalement par la stratégie de « tolérance zéro » vis-à-vis des actes d’incivilité et de violence physique ou verbale, mise en place depuis quelques années. « Nous avons à Nord une politique de déclaration systématique de toutes les atteintes notamment celles aux personnes, ce qui nous a permis de mieux accompagner les dépôts de plaintes et adapter les dispositifs de formation », explique Jeanne de Poulpiquet, saluant à ce titre l’efficacité du protocole police-justice-hôpital.
Dans ces trois affaires d’agressions, l’AP-HM a déposé plainte le jour même. Elle assiste les victimes dans leur dépôt de plainte à titre individuel, en les accompagnant au commissariat. Toutes l’ont fait ou s’apprêtent à le faire, selon la direction. « Dans ces trois situations, on a fait intervenir immédiatement les psychologues des services qui sont venus débriefer avec les équipes et notamment les personnes agressées », explique la directrice de l’hôpital Nord. Le personnel peut aussi solliciter le psychologue du travail de l’établissement.
On va poursuivre des actions de formation et continuer à les étendre aux services de l’hôpital Nord qui sont demandeurs
Jeanne de Poulpiquet, directrice de l’hôpital Nord
Cette semaine, la direction organise une réunion avec les organisations syndicales pour revenir sur ce qui s’est passé et revoir le plan pour la sécurité des professionnels de santé en vue d’en refaire l’évaluation. L’un des axes forts est celui de la formation à destination du personnel paramédical et médical, spécialisé ou non en psychiatrie. « On va poursuivre ces actions de formation et continuer à les étendre aux services de l’hôpital Nord qui sont demandeurs », précise la directrice.
Trois patients atteints de troubles psychiatriques
Analysées dans le détail, les trois agressions posent également la question de la sécurité des soignants qui prennent en charge des patients atteints de troubles psychiatriques. Le 18 avril, la première attaque a eu lieu au sein de l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), qui accueille des patients-détenus présentant des pathologies psychiatriques aiguës, nécessitant une hospitalisation à temps complet. C’est un médecin de ce service psychiatrique qui a été agressé par un patient.
Le vendredi 19 avril, dans le service de suivi des grossesses à risque de l’hôpital Nord, deux sages-femmes de l’AP-HM, dont l’une est depuis en arrêt de travail, ainsi qu’une professionnelle d’une société de ménage « ont été victimes d’une violente agression physique et verbale de la part d’une patiente », explique l’AP-HM. « La patiente présente des troubles psychiatriques qui sont à l’origine de ces violences », précise le CHU.
La troisième agression remonte au mardi 24 avril. Dans l’unité d’hospitalisation de très courte durée des urgences, une jeune femme, souffrant également de troubles psychiatriques, qui était là depuis quelques jours et en attente d’un transfert dans une unité spécialisée de psychiatrie, a agressé deux infirmières. « Les deux professionnelles ne souffrent pas de graves blessures et sont logiquement très choquées », affirme l’AP-HM. « Le problème de la psychiatrie est national », insiste le Pr Berdah, qui voit dans cette nouvelle agression « un exemple des difficultés à prendre en charge des malades psychiatriques ».
Au total, en 2023, l’AP-HM a recensé 437 atteintes sur ses agents, dont 63 % d’injures, insultes ou provocations, 22 % de menaces et 15 % d'agressions physiques.
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