Carrières hospitalo-universitaires, le grand spleen ? Un médecin sur trois n'exclut pas de jeter l'éponge

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Publié le 13/12/2023
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Crédit photo : BURGER / PHANIE

C'est une enquête qui tombe à point nommé, alors que s'ouvrent les 18e assises hospitalo-universitaires, les 14 et 15 décembre, à Versailles. La dégradation des conditions de travail à l'hôpital public et la bureaucratisation poussent un nombre significatif d'hospitalo-universitaires (HU) vers la sortie, même les plus militants et aguerris. C'est le principal enseignement d'une étude réalisée à l'automne 2023 auprès de 838 médecins.

Avec le soutien logistique du Syndicat des hospitalo-universitaires (SHU), la chercheuse et professeure en gestion des ressources humaines Sarah Alves (EM Normandie) a mesuré les intentions de départ des HU en poste, leur satisfaction et leur engagement au travail. Son panel compte 499 PU-PH, 271 MCU et 68 hospitalo-universitaires non titulaires.

Les HU sont interrogés selon un baromètre progressif allant de 1 à 5 (leurs réponses étant « jamais », « très rarement », « quelquefois », « très souvent », « toujours »). L'intention de départ des médecins se révèle forte pour 31,4 % de la population sondée, toutes spécialités. Les médecins, biologistes et chirurgiens (en dentaire) sont les premiers hospitalo-universitaires à « rêver d'obtenir un autre poste qui répondrait mieux à [leurs] besoins personnels » (davantage que les pharmaciens par exemple). Ce sont également dans ces trois métiers que les HU envisagent le plus d'exercer en clinique privée, sans pour autant franchir le pas. 

« Pour l’ensemble de la population [interrogée], les intentions de départs sont réelles mais elles semblent plutôt correspondre à une fuite du milieu hospitalier pour trouver un poste qui corresponde mieux aux besoins personnels », analyse Sarah Alves.

Trop de bureaucratie

Plusieurs facteurs d'insatisfaction émergent. Les chirurgiens (en général) se démarquent en déplorant davantage que leurs confrères la dégradation de leurs conditions de travail et leur niveau de salaire par rapport à l'importance de leurs missions à l'hôpital. Les médecins, également peu satisfaits de leur rémunération moyenne, estiment également ne pas recevoir assez de marques de considération pour leur travail. La question délicate des pensions de retraite des HU – où seule une fraction des revenus est comptabilisée pour le calcul final des pensions – reste un autre facteur de mécontentement.

Tous s'agacent de la bureaucratisation croissante. Côté effectifs, les chirurgiens sont ceux qui affichent leur plus grand désaccord avec les politiques d'établissement sur ce qui relève des questions RH. Toutes spécialités confondues, assez peu parlent à leur proche de leur service ou unité de soins comme un lieu « où il fait bon travailler ».

À travers les réponses inquiètes des hospitalo-universitaires, Sarah Alves constate l'existence d'un « écart entre les valeurs personnelles et institutionnelles » autant qu'un « rapport contribution/rétribution faible » qui pousse les HU à envisager de quitter leur poste. En 2021 déjà, l'enquête Happy HU visant à évaluer les conditions de travail et la prévalence du mal-être au travail (burnout, stress, idées suicidaires) avait mis en évidence à quel point cette population hospitalo-universitaire était particulièrement touchée par des problèmes de santé mentale.

Loyauté au service public

Mais c'est en réalité l'attachement au service public hospitalier qui contrecarre l'envie d'ailleurs des HU. Les hospitalo-universitaires affichent ainsi leur loyauté à l'hôpital public, et même leur « fierté » à participer à son fonctionnement. Surtout, tous disent se préoccuper fortement du sort de leur propre structure de soins. Ils sont même prêts à « fournir beaucoup d'efforts, au-delà de ce qui est normalement attendu », afin d'aider leur établissement à réussir sa mission. Cet « engagement » proche du sacerdoce traverse toutes les spécialités, tout comme un « fort sentiment d'appartenance » .

Sur ces bases, Sarah Alves estime que l'engagement des HU est « avant tout affectif » et, dans une moindre mesure, « calculé », au regard des « coûts perçus d’un départ (...) qui peuvent sembler trop élevés ». En revanche, les HU sondés ne ressentent pas de culpabilité à l'idée de partir car, en miroir, ils ne ressentent pas d'obligation à rester membre de l'hôpital et de l'université qui les emploient, en particulier en début de carrière. Signe alarmant : ce sont précisément les personnels les plus jeunes qui sont les plus enclins à vouloir jeter l'éponge, posant un risque à court terme pour l’organisation hospitalo-universitaire. 


Source : lequotidiendumedecin.fr