Il n'aura pas perdu du temps. Deux mois à peine après avoir pris les rênes de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), Nicolas Revel a mis sur la table trente « pistes d'actions » qui portent en particulier sur les conditions et l’organisation du travail des soignants, dans un document diffusé en interne et consulté par « Le Quotidien ».
Entre 15 et 20 % des blocs fermés
« Nous ne partons d'une page blanche et de nombreux leviers d'action ont déjà été identifiés, écrit l'ancien directeur général de l'Assurance-maladie. Certains sont inscrits dans le projet social signé en 2020 et dans le projet d'établissement 2021-2025. »
Avec 1914 équivalent temps plein (ETP) de moins qu’à la même période l’année dernière (dont la moitié d’infirmières), un niveau de recettes d’activités inférieur à celui de 2019 (alors que la moitié des autres CHU français ont pu redresser la barre) et surtout entre 15 et 20 % des blocs opératoires fermés faute de personnels paramédicaux, il y a péril en la demeure. « Il faut d’abord répondre à l’urgence, prévient Nicolas Revel, et agir sur tout ce qui peut nous permettre d’améliorer rapidement notre attractivité, notre organisation, nos circuits de décision, le dialogue dans notre institution et in fine, car c’est le plus important, les conditions d’exercice de nos équipes au quotidien. »
Davantage de souplesse ?
Manquer de temps au lit du patient, être rappelé en dernière minute sur ses jours de congés, payer cher le coût de la vie en région parisienne, manquer de dialogue dans les équipes : les revendications des paramédicaux ont été reçus cinq sur cinq. Le DG envisage par exemple d'augmenter « fortement » le nombre de logements sociaux réservés aux agents de l'AP-HP, ou de recruter davantage d'infirmières à la sortie de ses écoles.
La délicate question de la remise à plat du temps de travail quotidien semble en revanche plus complexe à résoudre. Jusqu'à 100 000 agents sont concernés. Les plus jeunes souhaitent faire des journées de 12 heures contrairement aux plus anciens dans la maison : l’équation n’est pas simple mais « il doit être possible d’introduire davantage de souplesse dans les organisations » veut croire le directeur général. Le rythme de travail actuel varie selon les services de 7 à 12 heures par jour.
S’agissant des effectifs médicaux seniors, les signaux sont plutôt encourageants. Avec 8 328 équivalents temps plein, ils progressent au rythme d’environ 1 % par an depuis 2016. Mais si les candidats restent nombreux, certaines disciplines sont plus en souffrance que d’autres. « Les hospitalo-universitaires expriment des craintes à propos de l’attractivité des postes de chefs de clinique-assistants, notamment dans le cadre de la finalisation de la réforme du troisième cycle », note encore Nicolas Revel. La recherche étant un des points forts de l’AP-HP et facteur d’attractivité, cette activité doit être mieux intégrée dans l’organisation des services, insiste-t-il.
Côté budgétaire cette fois, le patron des Hôpitaux de Paris devra définir dans les prochains mois « une trajectoire réaliste et assumable de retour à l'équilibre financier », alors que le déficit de l'AP-HP devrait dépasser les 200 millions d'euros, pour la troisième année consécutive.
DMU, pas si simple
Ces pistes d’actions soumises à la réflexion de la communauté hospitalière ne font pas l’impasse sur le bilan du projet phare menée par son prédécesseur : la « Nouvelle AP-HP » dont les principes avaient été définis en 2018-2019.
Les difficultés issues de la création des départements médico-universitaires (DMU) ne sont pas éludées en particulier l’éloignement de la décision du terrain. « Il y a un enjeu de clarification pour les professionnels qui doivent savoir où s’adresser et un enjeu d’efficacité lorsque trop d’étapes inutiles ralentissent la prise de décision », analyse Nicolas Revel. Ainsi, la nécessité de redonner une place centrale à l’échelon du service est consensuelle, admet le nouveau patron du CHU francilien.
Le document adressé à la communauté hospitalière a vocation à « alimenter un temps d'échange » qui durera jusqu'à la mi-octobre. Concrètement, il passera par un cycle de consultations des représentants des personnels en même temps que sur le terrain sous la forme de réunions d'échanges organisés dans les DMU et les services volontaires. L'objectif de Nicolas Revel est de bâtir un plan de travail pour les douze mois à venir.
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