Le déficit de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) sera supérieur aux 228 millions d'euros prévus lors du budget rectificatif de cet été, a indiqué son directeur général Nicolas Revel, lors de l'émission « Les Contrepoints de la santé » diffusée sur Youtube mardi soir.
Pas de baguette magique
Après les records enregistrés en 2020 (-246 millions) et 2021 (-230 millions), le CHU francilien avait déjà revu cet été sa prévision de pertes pour 2022 de 184 à 228 millions d'euros. La faute à une activité en berne, en raison notamment du manque de personnels paramédical : avec 10 % d'infirmiers en moins qu'en 2019, ses 38 établissements dénombraient 18 % de lits fermés en septembre puis 16 % en octobre, soit deux fois plus qu'avant le Covid.
« Il y a des retards de prise en charge et des déprogrammations, parfois la situation est pesante et préoccupante, a admis le directeur, en fonction depuis le 4 juillet. Ce sentiment de préoccupation et même de doute est très partagé par les équipes quand on discute avec elles. Mais on voit aussi une assez forte lucidité, au-delà de l'envie de s'en sortir, sur le fait qu'on est face à un phénomène très multifactoriel. Il n'y a pas de baguette magique mais des leviers d'actions. »
Premier enjeu, la fidélisation du personnel infirmier
De fait, Nicolas Revel a présenté 30 pistes d'actions à la communauté hospitalière au mois de septembre dernier. « Le premier enjeu est de répondre à la question de l'attractivité et plus encore à celui de la fidélisation surtout des personnels infirmiers, explique-t-il. Nous n'avons pas, à l'AP-HP, contrairement à d'autres hôpitaux en France, un problème d'attractivité pour les médecins. »
À l'été 2022, les hôpitaux parisiens ont tout de même recruté davantage d'infirmières que les années précédentes : soit 2 200 personnels entrants pour 2 600 parties la même année. En moyenne, trois ans après leur recrutement, seules 62 % des infirmières sont toujours en poste. « Ce chiffre s'érode d'une année à l'autre » déplore le directeur général de l'AP citant, parmi les causes des départs, les difficultés de pouvoir d'achat, de temps transports et de coûts des loyers, propres à la capitale.
Le service, cellule vivante de l'hôpital
À cette crise des vocations infirmières à Paris, Nicolas Revel entend répondre en relançant la réflexion sur le temps de travail et avec un accroissement de l'offre de logement. Autant de propositions qui figurent dans le document de travail présenté à la communauté de l'AP-HP et dont la version finale devrait être soumise en CME le 6 décembre. La question de la gouvernance qui intéresse en premier chef les médecins devrait figurer au centre de la discussion.
« Ce qui revient de manière extrêmement importante, c'est l'attachement à un fonctionnement collectif qui embarque toute l'équipe dans un service, analyse le nouveau directeur. Je crois que, fondamentalement, au-dessus de nos services, nous avons besoin d'avoir un certain nombre de strates organisationnelles mais la cellule vivante d'un hôpital c'est le service car c'est là qu'on a l'équipe de soins. » Manière de se démarquer, sans le renier, de son prédécesseur Martin Hirsch qui, au travers du projet de la nouvelle AP-HP en 2018/19, avait créé les départements médico-universitaires (DMU) largement contestés depuis par le corps médical.
Un chantier complexe de ressources humaines que le DG du CHU francilien devra mener de front avec la préparation du budget pour l'année prochaine, alors que la garantie de financement qui bénéficiait aux hôpitaux depuis le début de la crise sanitaire s'arrête définitivement. L'objectif de Nicolas Revel est de définir avec le ministère de la Santé « une nouvelle trajectoire économique » afin de « revenir à l'équilibre d'ici quatre ou cinq ans ».
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