En 2018, 60 % des 3 900 ophtalmologistes libéraux pratiquent la délégation de tâches, contre 30 % il y a trois ans. Ces chiffres, présentés la semaine dernière par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF), expriment la montée en puissance du travail en équipe au sein de la profession.
Dans un cas sur deux, les médecins travaillent avec un ou des orthoptistes, libéraux ou salariés par leurs soins. Parmi les aficionados de la délégation de tâches à un paramédical salarié, 41 % exercent en secteur II et 26 % en secteur I. « Le coût de mise en place du travail aidé est toujours lourd à supporter pour les médecins de secteur I, il faut donc leur donner plus de moyens pour le développer, plaide le Dr Thierry Bour, président du SNOF. Pour autant, nous sommes en avance par rapport à l'objectif de 80 % de travail aidé fixés pour 2025. »
En plus d'une libération du temps médical – l'ophtalmologiste se recentre sur les interprétations d'examens et la synthèse – et de meilleures conditions de travail, la délégation de tâches permet au médecin d'augmenter le nombre de patients de 26 %, apprécie le SNOF, qui se base sur les projections de l'assurance-maladie.
Mieux dépister la rétinopathie diabétique
Cette montée en charge devrait se poursuivre cette année à la faveur du déploiement de deux protocoles de coopération (article 51 de la loi Bachelot) et de la télémédecine.
Né en 2016, le protocole dit Muraine permet à un orthoptiste de réaliser un bilan visuel à distance (interrogatoire, réfraction, déséquilibre oculomoteur, tonus oculaire, rétinographie) dans le cadre d'un renouvellement ou d'une adaptation de correction optique, pour un patient de 6 à 49 ans sans pathologie et dont la dernière consultation a moins de cinq ans. L'orthoptiste travaille dans une structure à distance (maison ou centre de santé, cabinet d'orthoptie, cabinet d'ophtalmologie), puis transmet les résultats au médecin spécialiste, qui les interprète et envoie la prescription au patient. Un forfait de 28 euros (pris en charge 100 % par l’assurance-maladie) est versé pour l'ensemble de l'acte, facturé par l'orthoptiste, sachant qu'un contrat de partage des honoraires – à 60 % pour l'orthoptiste – peut être établi. Depuis avril, une instruction recommande aux agences régionales de santé de favoriser cette coopération (qui reste dérogatoire), compte tenu de la situation démographique de la filière visuelle.
Le SNOF mise également sur la prochaine inscription dans la nomenclature (NGAP) du renouvellement d'optique (RNO, montures), à la faveur du vote d''un article du dernier budget de la Sécu sur le travail en équipe. Dans ce cadre, l'acte de l'orthoptiste (aussi à 28 euros) est réalisé non pas à distance mais dans un lieu d'exercice unique avec l'ophtalmologiste, en l'absence de ce dernier (avec lecture médicale du dossier en différé). L'objectif est de prendre en charge 100 000 patients par an, soit trois fois plus que précédemment.
Enfin, le SNOF parie sur la récente inscription dans le droit commun de la tarification de la télémédecine pour dynamiser le déploiement du protocole organisationnel sur le dépistage de la rétinopathie diabétique, en place à l'état expérimental depuis 2014. Les orthoptistes peuvent réaliser l'instillation de collyre, des photos de fond de l'œil, une évaluation de la vision ou un bilan des déséquilibres oculomoteurs. Là encore, les résultats sont transmis au spécialiste qui analyse et adresse un compte rendu aux patients et au médecin traitant, voire réalise une consultation. À ce jour, ce protocole touche 6 000 patients sur les 600 000 attendus. L'espoir de la profession est donc grand.
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