La transparence tarifaire, priorité du gouvernement et de la Sécu ces derniers mois, a-t-elle des limites ? Certains praticiens se posent sans doute la question après la mise en ligne sur le site de la CNAM (www.ameli.fr) des prix des actes techniques pratiqués le plus fréquemment par chaque médecin libéral en cabinet ou en clinique (1). Un service pour 99 actes techniques les plus courants (scanners, échographies, chirurgie de la cataracte, prothèse de hanche, chirurgie du ménisque du genou, endoscopies digestives…) qui ne fait qu’étendre ce qui existait déjà depuis juillet 2008 pour les tarifs des consultations (généralistes et spécialistes) et de certains actes dentaires. Aujourd’hui, un patient qui veut connaître le montant d’une IRM du Dr X., radiologue à Villeurbanne en secteur II, trouve la réponse en trois clics : « les tarifs de ce médecin varient de 69 à 97 euros. Le tarif le plus fréquent est de 97 euros. Il est pratiqué dans 8 cas sur 10. L’assurance-maladie rembourse cet acte sur la base de 69 euros ». Pour les médecins de secteur I, les tarifs sont précisés dans le cadre et hors parcours de soins.
Ce nouvel outil est promis à un vif succès chez les assurés internautes : pour les actes cliniques, le service avait reçu près de 600 000 visites dès les quatre premiers mois…
Arsenal.
La diffusion sur le Web des tarifs des actes techniques (et par téléphone au 3646) relance le débat sur les modalités visant à garantir transparence tarifaire. Fin décembre, le gouvernement a publié le décret sur la définition du « tact et mesure » en secteur II (encadré), assorti d’un renforcement du mécanisme des pénalités financières à disposition des caisses contre les médecins dont les dépassements sont jugés excessifs. Amendes également applicables si les médecins n’affichent pas leurs tarifs dans les salles d’attente. En octobre dernier paraissait l’arrêté sur le nouveau devis obligatoire dès lors que les honoraires (incluant le dépassement) facturés en consultation dépassent 70 euros. Si l’on ajoute les interventions de Roselyne Bachelot sur le terrain de la discipline tarifaire, et le débat acharné sur le secteur optionnel, censé s’accompagner d’une régulation concomitante du secteur II, on ne peut que constater les offensives croisées dans ce domaine.
Alors que l’Ordre national reste discret, les syndicats oscillent entre tiède approbation et méfiance à propos de la mise en ligne des tarifs techniques. « L’objectif de transparence, on ne peut que le partager, il faut une vérité sur les prix, commente le Dr Michel Chassang, président de la CSMF. Mais la question est de savoir pourquoi : veut-on stigmatiser les dépassements ? Tirer les prix vers le bas ? Il y a des risques de mauvaises interprétations ». L’UMESPE, qui réunit les spécialistes confédérés, demande que les caisses « perfectionnent rapidement l’outil en tenant compte des remarques de syndicats de verticalité, en particulier des dermatologues, et de chaque médecin sur la pertinence et l’exactitude des informations publiées ». La Sécu a informé par courrier les médecins sur la méthodologie utilisée. Elle propose aux praticiens de faire connaître leurs commentaires, promet de corriger les erreurs. Selon l’UMESPE, les spécialistes de secteur II qui ont choisi d’adhérer à l’option de coordination (et limitent leurs dépassements) sont « pénalisés » par la présentation actuelle. Au SML, on estime que les honoraires des médecins de secteur II sont désormais « sous surveillance ». De la transparence à « la suspicion généralisée », il n’y a qu’un pas, met en garde le syndicat . Du côté de la FMF, le président Jean-Claude Régi ne veut pas dramatiser : « sur le fond, je ne vois pas sur quels critères on peut s’opposer. Mais il est évident qu’il y aura des litiges, des tensions ». Pour le Dr Alain Ricci (Alliance), « la manuvre est imparable. Personne ne pourra prétendre qu’il défend l’opacité ! ».
(1) Chaque année, 110 millions d’actes techniques sont réalisés en libéral.
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