La pratique du « hors-piste » au regard du dispositif du médecin traitant et des parcours de soins est en passe de devenir une activité prohibitive ! Et les assurés vont y regarder à deux fois avant de consulter directement un spécialiste sans passer par la case médecin traitant.
C’est la loi de financement de la Sécurité sociale 2 009 qui avait prévu ce (nouveau) durcissement des pénalités financières pour la petite minorité d’assurés qui n’ont toujours pas choisi de médecin traitant ou qui ne respectent par le « fléchage » des soins. Le décret publié le 20 décembre 2008 avait ainsi autorisé l’assurance-maladie à fixer l’augmentation du ticket modérateur dans une fourchette de « 37,5 % à 42,5 % » au-delà du taux normal de participation du patient qui est égal à 30 % ; ce qui signifiait une participation de l’assuré hors parcours de soins comprise entre 67,5 et 72,5 % du tarif conventionnel. Restait à l’UNCAM à fixer dans ces limites le montant exact de la « sanction », décision assez délicate. C’est désormais chose faite. Dans sa proposition soumise « pour avis » à l’Union nationale des professions de santé (UNPS) et aux complémentaires santé (UNOCAM), le collège des directeurs de l’assurance-maladie (régime général, MSA et indépendants) fixe la hausse du ticket modérateur à « 40 % », soit précisément le milieu de la fourchette retenue par le gouvernement.Un arbitrage qui réduira la prise en charge de la Sécu à 30% du tarif conventionnel pour les consultations des assurés non vertueux… Peu encourageant.
En 2006 d’abord, puis en septembre 2007, les conditions financières du « hors parcours » s’étaient déjà durcies avec un taux de remboursement des actes dans ce cas de figure limité à 60% puis à 50 % du tarif conventionnel. Cette fois, la pénalisation supplémentaire de « 20 points » sur le ticket modérateur risque d’être particulièrement dissuasive, notamment pour les patients qui consultent directement un spécialiste (hors accès autorisé spécifique en ophtalmologie, gynécologie et psychiatrie pour les 16-25 ans).
Au moment du débat sur le budget de la Sécurité sociale, Roselyne Bachelot s’était défendue de prendre une mesure « à portée financière ». La ministre de la Santé avait invoqué l’ « optimisation du système de soins » et le « renforcement » du dispositif du médecin traitant . Le recours à ce mécanisme avait permis au gouvernement d’expliquer que seuls les usagers ne respectant par les parcours de soins seraient concernés par les mesures de redressement, les autres étant épargnés dans un contexte de crise (pas d’augmentation des cotisations, de la CSG, du ticket modérateur général, ni déremboursement dans le cadre des ALD…).
L’UNPS monte au front.
La profession n’apprécie pas forcément ces nouvelles règles du jeu du parcours de soins, pourtant programmées depuis quelques semaines. « C’est clair, le gouvernement et la caisse veulent généraliser les figures imposées et l’aiguillage forcé dans le parcours de soins, quitte à torpiller les figures libres… », se désole un spécialiste. En août 2008, une étude (1) avait déjà révélé la forte baisse de l’accès direct à certaines spécialités, surtout en dermatologie et en ORL mais aussi en cardiologie et en radiologie.
Sollicitée pour avis, l’UNPS, qui réunit les professionnels de santé libéraux, vient de se prononcer à l’unanimité contre cette nouvelle majoration de participation hors parcours de soins. Sans rejeter le principe de la « responsabilisation » du patient, l’UNPS juge cette augmentation « inappropriée ». D’abord parce qu’elle « s’inscrit dans le cadre de mesures comptables [et n’est pas la bonne réponse au problème de l’insuffisance notoire de l’Ondam de ville pour 2009 (objectif national d’assurance-maladie) ». Ensuite, juge l’UNPS, cette hausse de ticket modérateur « risque de transformer le parcours de soins en une filière de soins rigide et pénalisante ». En clair, la liberté de choix du patient serait désormais toute virtuelle vu le niveau de contrainte financière. Enfin, l’UNPS déplore que « ce dispositif ne concerne pas l’hôpital pourtant impliqué au quotidien ».
Pour les syndicats représentatifs des spécialistes, la barque est désormais un peu trop chargée.
Le Dr Christian Jeambrun, président du Syndicat des médecins libéraux (SML),ne cache pas son agacement : « Ça fait lourd, on diabolise le hors parcours ! ». Cet autre leader, qui participe aux négociations est carrément furieux. « Alors qu’on est en train d’examiner ce qu’on peut faire pour les spécialités cliniques pénalisées par le parcours de soins, on rajoute une couche dans les sanctions. Où est la logique ? ». Le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, enfonce le clou : « En 2005, le parcours de soins était incitatif, en 2009 il est obligatoire. C’est la fin du libre choix du médecin par le patient. Cela va entraîner des complications multiples dans la gestion du remboursement pour les jeunes médecins, les cabinets de groupe, en cas de CMU… Les patients vont se plaindre, au final ce sont les médecins qui trinqueront. L’autre message c’est que l’hôpital peut faire n’importe quoi pendant qu’on impose des contraintes nouvelles à la médecine de ville».
Certains leaders considèrent que le processus n’est pas terminé et que le déremboursement des actes « hors piste » (médicaux mais aussi paramédicaux lorsque la prescription n’est pas établie par le médecin traitant) se poursuivra… Jusqu’à atteindre le taux zéro ? « C’est la logique de cette convention qui a désorganisé tout le système ! » accuse le Dr Martial Olivier-Khret, président de MG-France. Ce responsable du syndicat de généralistes regrette qu’on reste dans un parcours « déclaratif et tarifaire sans aucun contenu qualitatif ».
(1) IRDES - Août 2008. «Modes d’accès aux spécialistes en 2006 et évolution depuis la réforme de l’assurance-maladie».
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