Le centre hospitalier universitaire de Martinique (CHUM) a accueilli hier mardi son nouveau directeur dans un contexte social tendu par la contestation de l'obligation vaccinale et le départ de dizaines de médecins et soignants difficiles à remplacer. « Tous les ans, il y a un turn-over des équipes médicales du CHU, avec 80 à 100 médecins qui partent et autant qui arrivent », a tenu à rassurer devant la presse Dominique de Wilde, l'administratrice provisoire de l'établissement. Cette dernière a assuré l'intérim à la tête de l'hôpital entre le départ anticipé du précédent directeur général, Benjamin Garel, le 30 novembre, et l'arrivée de son successeur Jérôme Le Brière.
Mais plusieurs médecins auraient précipité leur départ ces dernières semaines, marquées par les tensions toujours très vives à l'hôpital pour cause d'obligation vaccinale. Le 1er février, plusieurs syndicats avaient ainsi manifesté à l'entrée de l'hôpital Pierre-Zobda-Quitman, en interdisant certains accès. Au moins trois médecins avaient été agressés pour avoir tenté de franchir ces barrages. Des plaintes ont été déposées.
Le CHU, qui compte 900 médecins, ne souhaite pas indiquer précisément le nombre de départs. Mais, selon la direction, plusieurs services seraient particulièrement touchés, dont la médecine polyvalente, la chirurgie cardiaque et l'anesthésie-réanimation. Pour combler ces déficits, quatre médecins polyvalents sont arrivés le week-end dernier à Fort-de-France en réponse à « des demandes à la cellule nationale de crise », indique Mme De Wilde.
Réserve sanitaire
À ces praticiens s'ajoutent ceux de la réserve sanitaire, qui continue d'apporter son soutien au CHU avec 60 soignants dont quatre médecins arrivés samedi pour une mission de quinze jours. La situation sanitaire a cristallisé les tensions sociales déjà présentes sur cette île, frappée par une quatrième vague meurtrière de Covid-19 avec plus de 700 décès à l'hôpital.
« On a eu affaire à un drame sanitaire épouvantable, et il a été beaucoup plus violent qu'ailleurs, notamment en raison de la résistance vaccinale », estime le Pr François Roques, président de la Commission médicale d'établissement (CME) du CHU de Martinique, interrogé par l'AFP. Ce refus de la vaccination sur le territoire - seuls 44,5 % de sa population possède un schéma vaccinal complet - a également provoqué des décompensations de maladies chroniques au cours de la cinquième vague de l'épidémie.
Selon le Pr André Cabié, chef du service des maladies infectieuses au CHU, cette situation est identique à celle observée en 2014 pendant l'épidémie de virus chikungunya, où beaucoup de personnes décompensaient leur diabète, leur insuffisance respiratoire ou encore leur insuffisance rénale.
Tension hospitalière
L'administration provisoire indique subir une tension hospitalière en raison des patients non-Covid qui reviennent à l'hôpital. Aujourd'hui, le CHU a pu rouvrir ses 18 blocs opératoires. Mais le départ de certains chirurgiens inquiète les patients. « C'est très critique », confie le représentant des usagers du CHU, Laurent Milia, qui craint « une médecine de riche et une médecine de pauvre » : « si le CHUM ne peut pas faire les opérations, alors les patients qui ont l'opportunité iront à la clinique ou prendront un billet d'avion ».
Le CHU fait des efforts pour attirer de nouveaux médecins en améliorant les infrastructures de l'hôpital, en collaboration avec la collectivité territoriale au travers des fonds européens. Une enveloppe de 100 millions d'euros a ainsi été débloquée afin, notamment, de finaliser la construction du prochain institut caribéen d'imagerie nucléaire.
Par ailleurs, l'administration provisoire a mis en place un groupe de travail avec la Collectivité territoriale de Martinique, la préfecture, l'ARS et l'hôpital pour améliorer l'accueil des médecins et des soignants venus de l'extérieur. Une démarche a été initiée auprès du ministère de la Santé afin de réfléchir à un statut des praticiens hospitaliers des Antilles, précise le Pr Roques à l'AFP.
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