L’affaire semblait tranchée depuis que l’article controversé du projet de loi de santé instituant la possibilité pour les pharmaciens d’officine de procéder à des vaccinations avait été supprimé par l’Assemblée nationale.
Mais l’Académie de pharmacie relance ce débat sensible. Dans un argumentaire détaillé de cinq pages, l’institution se livre à un véritable plaidoyer en faveur de la vaccination par les officinaux. Dans nombre de pays (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Portugal, Suisse), les pharmaciens vaccinent, permettant une amélioration notable de la couverture vaccinale, rappelle cette note de l’Académie. Et au Canada, « 25 % de ceux qui n’étaient pas habituellement vaccinés et 21 % des sujets à risque ont saisi l’opportunité d’une vaccination en pharmacie ».
Pas d’immunité de groupe
L’Académie rappelle ensuite que les taux de couverture vaccinale constatés en France sont insuffisants et « ne permettent pas pour certaines maladies l’installation d’une immunité de groupe, nécessaire pour protéger les personnes les plus vulnérables ». Cet impératif d’élargissement de la couverture avait été cité par Marisol Touraine lorsqu’elle avait défendu la vaccination (encadrée) par les pharmaciens.
Par exemple, si la couverture vaccinale à l’égard de la diphtérie, du tétanos, de la poliomyélite (DTP) et de la coqueluche est de 96 % à l’âge de 9 mois, elle est de 34 % pour la diphtérie, 42 % pour la poliomyélite et 71 % pour le tétanos, chez les personnes de plus de 16 ans.
L’Académie prévoit des garde-fous à la vaccination officinale. « Aucun pharmacien ne saurait être habilité à vacciner sans une formation préalable adaptée », estime-t-elle. De la même manière, elle juge que cette vaccination ne doit être faite que sur la base du volontariat des officinaux.
Ces précautions étant respectées, l’institution estime que cette mesure « pragmatique et équilibrée contribuerait à restaurer la confiance dans les vaccins et à limiter les freins organisationnels à l’égard de la vaccination ». « Il faut soutenir le projet visant à autoriser la vaccination par les pharmaciens », conclut l’Académie.
Traçabilité en question
Cette prise de position risque de provoquer de nouveaux remous dans les rangs médicaux libéraux, très réticents à l’idée d’une autorisation de vaccination donnée aux pharmaciens sans pilotage par le médecin traitant et retour d’information.
« N’importe quelle andouille est capable de faire une piqûre, s’énerve le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Le problème se situe à un autre niveau, celui de la coordination des soins ». Il craint qu’une multiplication des acteurs, en l’absence d’un DMP digne de ce nom, rende difficile le suivi de la vaccination. Il affirme aussi que l’autorisation de vacciner accordée aux infirmiers « n’a pas fait remonter d’un iota le taux de couverture vaccinale ». La CSMF s’était élevée, lors du débat sur ce sujet, contre toute tentative de démantèlement du métier de médecin.
Quant à MG France, il n’a cessé de combattre cette mesure. « Le projet de loi de santé, en proposant de donner aux pharmaciens et à d’autres professionnels de santé le droit de vacciner, est un nouvel exemple de ces fausses bonnes idées qui contribuent à désorganiser notre système de santé et à démotiver ses acteurs, sans aucun espoir d’améliorer la couverture vaccinale », taclait le syndicat de généralistes mi-mars.
MG France proposait plutôt de mettre à la disposition des généralistes, en concertation avec les pharmaciens de proximité, un stock de vaccins permettant la réalisation immédiate de la vaccination, au fil de la consultation, chez toutes les personnes qui en ont besoin.
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