Mercredi dernier, 56 chirurgiens et anesthésistes du Centre hospitalier du Mans (CHM) ont envoyé un courrier au ministère de la Santé, à l’agence régionale de santé et à l’ensemble des élus de la Sarthe pour leur annoncer leur décision de démissionner de toutes leurs fonctions administratives.En cause, « une dégradation alarmante de la capacité d’accueil des services de chirurgie du Centre hospitalier du Mans, seul hôpital de recours de la Sarthe », peut-on lire dans la lettre.
Alors que le CHM, implanté en plein désert médical, réalise en moyenne 80 interventions chirurgicales par jour – hors gynécologie et pédiatrie – les fermetures répétées depuis plusieurs mois de services d’urgence sarthois ont entraîné « une mise sous tension progressive de tous les services de l’hôpital, en particulier ceux de chirurgie ».
Face à l’afflux de patients, « c’est un jeu de domino, raconte le Dr Julien Barbieux, membre du collectif de médecins démissionnaires et chef du pôle chirurgie et anesthésie au CHM. Comme il n’y a plus assez de lits en médecine, on prend sur les lits de chirurgie ».
110 déprogrammations
À cela s’ajoute une « crise des ressources paramédicales », poursuit le chirurgien viscéral. Avec 50 postes vacants, l’établissement manceau n’est désormais plus « en capacité d’armer des lits de manière sécuritaire », explique le Dr Barbieux.Pour pallier cette arrivée massive de patients aux urgences et en médecine, la direction a dû condamner 60 lits sur 150 en chirurgie conventionnelle. Aussi, entre janvier et février, « ce sont plus de 110 interventions qui ont dû être déprogrammées du jour au lendemain faute de place », parfois pour des traitements du cancer, alerte le collectif dans son courrier.
Alors que les équipes soignantes sont « démunies » et « mises sous pression », « nous n’avons plus les moyens de prendre en charge nos patients dans des conditions de soins correctes et humainement supportables », déplorent encore les démissionnaires.
Une démarche soutenue par leurs confrères
Pour alerter les politiques, la cinquantaine de chirurgiens et d’anesthésistes a donc décidé d'abandonner « toute responsabilité administrative », explique la lettre, citant en vrac : la chefferie de service ou encore la « participation aux multiples commissions d’organisation, comme, ô, comble d’ironie, la commission "d’attractivité et de fidélisation des praticiens hospitaliers" », écrivent-ils.
« Nous continuerons à remplir toutes nos fonctions médicales, en assurant l’activité ambulatoire, programmée et la permanence des soins », précise le Dr Barbieux. « Mais notre seule urgence désormais est la prise en charge de nos malades », insiste-t-il.
Dans la foulée, l'initiative du collectif a été soutenue par une nouvelle missive, signée cette fois-ci par 78 médecins du CH du Mans, qui craignent eux aussi que la fermeture des lits en chirurgie n'entraîne « une perte de chance pour les patients ».
L'encadrement de l'intérim inquiète
Si la situation ne s’améliore pas rapidement, les chirurgiens du Mans anticipent déjà de devoir « réduire de 50 % l'activité de chirurgie programmée nécessitant une hospitalisation d’au moins une nuit, comme, par exemple, une prothèse de hanche, un pontage artériel, une chirurgie de la thyroïde ou de la prostate ». Aussi, « il nous faudra peut-être choisir entre deux patients atteints d’un cancer, violant notre sens éthique, comme cela a déjà été le cas », regrettent-ils.
À terme, le collectif craint un « démantèlement de la chirurgie publique qui conduira, si rien n’est fait, à transformer l’hôpital en hospice ». Déjà, rappellent-ils encore « au Mans, des chirurgiens démotivés ont quitté l’hôpital public ». Cette angoisse est d'autant plus forte que « la loi Rist qui encadre l’intérim médical pourrait nous conduire à une impossibilité d’opérer faute d'anesthésistes intérimaires », ajoute le Dr Julien Barbieux. La mise en application de la loi Rist est attendue pour le 3 avril.
Depuis l’envoi de la lettre de démission, des réunions ont été programmées avec la direction hospitalière et l’ARS. Lundi, les confrères ont pu obtenir 30 lits supplémentaires. Pas encore suffisant pour le Dr Barbieux qui demande avec le collectif « une réouverture progressive de tous les lits de chirurgie » et le recrutement de personnel qualifié.
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