C’est un phénomène peu connu mais bien réel : le harcèlement sexuel des médecins par les patients. Si l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a montré que 12 % des agents de santé ont déjà été victimes de harcèlement sexuel au travail, aucune étude mondiale sur le harcèlement sexuel des patients à l’encontre des médecins n’avait encore été menée.
Une équipe de chercheurs, coordonnée par le Dr Caroline Kamau-Mitchell, enseignante-chercheuse à Londres – spécialisée dans la santé des médecins au travail –, s’est penchée sur la question, au travers d’une méta-analyse mondiale portant sur sept pays et plus de 19 000 médecins de toutes les spécialités, travaillant à l’hôpital, en clinique et en ville. L’étude ne contient pas de référence explicite à la France.
Les femmes médecins particulièrement exposées
Publiée début septembre dans la revue Internal Medicine Journal (IMJ), l'étude, qui compile 22 publications, est sans appel : près de la moitié des médecins (45 %) ont été victimes de harcèlement sexuel par des patients à un moment donné dans leur carrière.
Les femmes médecins sont particulièrement exposées. Ainsi, 52,2 % d'entre elles ont déjà subi du harcèlement sexuel de la part de patients, contre 34,4 % des hommes. Selon l'étude, « le pourcentage de médecins victimes de harcèlement sexuel de la part de patients est le plus élevé au Royaume-Uni, suivi du Canada, de l'Australie, des États-Unis, d'Israël, de l'Allemagne et enfin de la Malaisie ».
Les formes de harcèlement rencontrées sont multiples : blagues à connotation sexuelle, invitations à sortir, messages ou lettres « romantiques », mains baladeuses, érections non dissimulées ou encore commentaires inappropriés lors d'examens physiques.
Déficit de sécurité
Sans grande surprise, ces expériences de harcèlement sexuel entraînent un « sentiment d'insécurité physique chez les médecins ». Pour se protéger, certains installent des systèmes de vidéosurveillance ou ferment à clé leur cabinet. Une étude australienne citée dans la méta-analyse révèle que certains médecins harcelés sexuellement adoptent des précautions supplémentaires, comme un comportement plus formel avec les patients concernés. Dans les cas les plus graves, ces expériences traumatisantes poussent certains praticiens à changer de profession.
Face à ce fléau, les auteurs appellent les décideurs politiques à reconnaître l'ampleur du problème et à agir en conséquence. Comme le préconise l’OMS, le harcèlement sexuel doit être classé comme un risque professionnel majeur, soutiennent les auteurs. Il est également crucial d'explorer et de généraliser des mesures de sécurité pour les médecins, telles que la vidéosurveillance, les boutons d'alarme et l'éducation des patients.
Aller plus loin dans la recherche
Enfin, les auteurs recommandent d'approfondir la recherche sur un sujet encore peu exploré : l'incidence du viol parmi les médecins. « Les recherches futures devraient explorer sa prévalence et déterminer si les expériences de harcèlement sexuel rendent les médecins inquiets quant à une possible escalade des patients vers le viol, le harcèlement obsessionnel ou la violence », lit-on.
Une recommandation qui fait tristement écho au meurtre et au viol d’une interne de médecine générale de 31 ans dans un hôpital public de la ville de Calcutta, en Inde. Fin août, cet évènement tragique avait ébranlé le pays : des dizaines de milliers d'Indiens avaient manifesté pour protester contre le manque de sécurité à la suite d’un appel à la mobilisation d’associations de médecins indiens.
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