Depuis la pandémie de Covid-19, la psychiatrie fait face à de grandes difficultés en Pays de la Loire, comme dans la majorité des régions françaises. En cause : une demande de soins en très forte hausse, en raison des séquelles laissées sur la santé mentale des adultes, adolescents et enfants et un manque de personnel soignant accru. Ces dernières semaines, le CHU de Nantes a fait les frais de cette situation.
À l'hôpital Saint-Jacques, site du service de psychiatrie du CHU, les équipes sortent tout juste la tête de l’eau après six semaines de fermetures de deux unités accueillant des jeunes en grande souffrance. Douze lits ont rouvert la semaine dernière.
Ces « fermetures de lit contractuelles et temporaires résultent d’un manque de personnel infirmier », analyse la Dr Rachel Bocher, cheffe du service de psychiatrie au CHU de Nantes. « Nous avions des effectifs infirmiers en moins, donc nous avons réduit la voilure pendant deux mois. Nous avons récupéré du personnel et avons pu rouvrir avec le bon nombre de médecins et d’infirmiers. D’autres établissements préfèrent ne prendre aucune décision et laisser la situation se dégrader encore plus », indique la médecin, par ailleurs présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH).
Le conflit remonte au mois de septembre. Les soignants ont entamé une grève le 21 septembre pour protester contre des fermetures de lits dans les unités Espace (quatre lits fermés) et Tati (huit lits fermés) réservés aux jeunes de 15 à 20 ans. « Les jeunes hospitalisés ici font déjà face à de gros problèmes : tentatives de suicide, abus sexuel, conflits familiaux graves, etc. À cause de ces fermetures de lits, nous avons été obligés de les déménager de service tous les soirs pour dormir et de changer à nouveau à huit heures le lendemain matin. Pour eux, c’est rajouter de l’angoisse à l’angoisse », témoigne une infirmière de l'hôpital Saint-Jacques. « Il m'est arrivé de travailler dix heures sans aucune pause tellement les jeunes avaient besoin de moi. Certains demandaient même à être enfermés à clé dans une pièce pour être rassurés », ajoute-t-elle.
Plan d'urgence
Quel fonctionnement pour les mois à venir ? « Nous faisons face dans la région à un vrai problème d’organisation des soins psychiatriques. Nous recevons à l’hôpital Saint-Jacques les malades de tous les environs : Challans, Cholet, la Roche-sur-Yon, Le Mans. Ils parcourent parfois 200 kilomètres pour arriver chez nous mais ça ne sert à rien car quand ils ressortent, ils n’ont pas de suivi ambulatoire », explique la Dr Bocher. « On ne peut pas continuer à laisser en France des territoires où il y a des médecins et d’autres où il n’y en a pas », déplore-t-elle.
Selon le bilan dressé par la CGT 44, plus de 200 lits de psychiatrie ont fermé temporairement ou définitivement ces dernières années en Loire-Atlantique.
De son côté, l’ARS Pays de la Loire a lancé en juin 2023 un plan d’urgence en psychiatrie comprenant un financement de nouveaux projets à hauteur de cinq millions d’euros d’ici à fin 2023 et plus de dix millions d'euros en 2024. « Aujourd’hui, nous réfléchissons à la création de nouvelles structures pour la prise en charge des adolescents. Cela doit être débattu en comité d’établissement », annonce la Dr Bocher, sans donner davantage de précision pour le moment.
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