Impliquée de longue date dans la défense de la santé des soignants, l’association Soins aux professionnels de la santé (SPS) a lancé un pavé dans la mare lors de son dixième congrès national, qui s’est tenu à Reims à la fin du mois d’août. Si le concept de qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) s’est démocratisé, qu’en est-il réellement au quotidien pour les hospitaliers ? « Au quotidien, nous observons la dégradation de la qualité de vie au travail des soignants à cause des plannings qui changent, des heures supplémentaires, des services dont les lits ferment, ce qui provoque des tensions et des conflits dans les équipes, déplore Guillaume Bailly, président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni). Mais malgré tout, on constate une forme d’omerta, qui fait que nous osons à peine nous servir de la médecine du travail. » Qui est de toute façon débordée.
Embarquer sans braquer
Confrontés au manque criant de ces médecins spécialisés, les établissements se doivent d’être ingénieux. Lors du colloque, plusieurs intervenants ont pris la parole pour présenter des solutions alternatives. Revient dans les témoignages une constante : améliorer la QVCT réclame d’embarquer tout le monde sans braquer personne, en ciblant pas à pas les services les uns après les autres, certains personnels ou cadres opérant de la résistance au changement. C’est ce qu’Annie de Vivie, fondatrice d'Agevillage.com et directrice du réseau France des formations Humanitude, appelle la politique des petits pas.
Sur le terrain, le concept d’Humanitude, déployé depuis près de trente ans, propose de redéfinir la notion de soignant, de personne et de personne aidée, à travers des formations au prendre-soin, à la bienveillance, au zéro soin de force et à l’abandon de soin, au respect de l’intimité et de la singularité. Remèdes aux carences de la médecine du travail, ces formations de quatre jours aident les soignants à acquérir un nouveau regard, insiste Annie de Vivie, sur des situations de soins qui peuvent être « piégeuses » car altérées par le simple fait que le soignant est debout et le patient allongé.
Dialoguer autrement
De son côté, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) déploie depuis 2020 ce qu’elle appelle les espaces de dialogues sur le travail (EDT), coanimés à la fois par un médecin et un paramédical. Ce sont des temps d’échange réguliers en équipe qui visent à parler du fonctionnement et de l’organisation des services, mais pas du tout des patients. Là encore, la prudence est de mise. « Nous avons eu des réticences de médecins qui ne voyaient pas dans ce dispositif quelque chose de nouveau, confirme Piérrelle Boursaly, adjointe à la directrice santé, qualité de vie et conditions de travail à l’AP-HP. C'est une démarche pas à pas qu'il faut expliquer au sein de chaque service. Ce n’est pas un groupe de parole. On traite les problèmes du collectif et on recherche des solutions. Tout le monde y participe. » Les EDT à froid pour les sujets structurants ont lieu une fois par mois et durent une heure. De 15 à 20 minutes, les EDT à chaud concernent les irritants du quotidien et se déroulent une fois par semaine. Fin 2024, 70 services auront suivi une formation, sur les 800 existants à l’AP-HP.
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique