Depuis plus d’un an, une réflexion est en cours sur la révision du statut des médecins coordonnateurs, ces professionnels qui travaillent à la coordination au sein des Ehpad. Mais l’adoption à la fin de l’année dernière de la loi Valletoux, confirmant la modification de leur périmètre d’actions et leur responsabilité, a été vécue par une partie de la profession comme une trahison, une décision prise unilatéralement sans considération pour le travail de concertation accompli.
Le texte du désormais ministre délégué à la Santé prévoit ainsi que le médecin coordonnateur « assure l’encadrement de l’équipe soignante de l’établissement ». Surtout, il peut désormais « assurer le suivi médical des résidents de l’établissement, pour lesquels il peut réaliser des prescriptions médicales ». Cette possibilité était envisagée jusque-là uniquement en cas d’urgence. Autre nouveauté : le médecin coordonnateur qui assure le suivi médical du résident peut à la demande de ce dernier devenir son médecin traitant.
« Un coup de poignard dans le dos »
Pascal Meyvaert, président du Syndicat des médecins coordonnateurs en Ehpad, n’a pas caché sa déception lorsqu’il a découvert le contenu de la loi : « Le ministère a organisé un groupe de travail, mais nous avons reçu un coup de poignard dans le dos avec la promulgation de la loi Valletoux, qui va à l’encontre de nos échanges. C’est un déni de démocratie. »
Dans le détail, le principe d’encadrement des équipes soignantes pose question. Selon Dominique Combarnous, présidente de l’Association nationale des cadres de santé (Ancim), le médecin coordonnateur s’occupe de la coordination médicale, c’est une réalité. Mais il n’est pas le manager de l’équipe soignante, c’est-à-dire des infirmières libérales.
Il n’en a jamais été question non plus, selon le Pr Olivier Guérin, président du Collège national de gériatrie : « Nous avons besoin que les infirmiers de coordination qui font un travail structuré assez proche du nôtre obtiennent des revalorisations à hauteur des rémunérations des cadres de santé. » Laurence Laignel, présidente de l’Association française des directeurs de soins (AFDS) voit là une confusion des rôles : « Il y a un vrai risque de difficultés d’organisation. Il faut trouver les justes compétences. » Et de mettre en exergue la complémentarité des tâches de coordination entre médecins et infirmiers.
Deux contrats de travail distincts
Une autre question encore plus sensible est la nouvelle capacité de prescrire des médecins coordonnateurs. Le Pr Guérin reconnaît que nombre d’Ehpad ont besoin de plus de prescriptions. Mais il émet des garde-fous : « Il faut sanctuariser les missions de coordination et avoir deux contrats très distincts entre celui du médecin traitant et celui du médecin coordonnateur. »
Les réactions sont encore plus fortes parmi les fédérations de soignants. Le Dr Xavier Gervais, vice-président en colère de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs (FFAMCO), s’interroge sur le temps dont il va disposer pour prescrire : « Le législateur veut dissoudre la coordination en soins dans les médecins traitants. Cette décision est politique. Nous n’allons pas créer des médecins coordonnateurs car il n’y en a pas. » Un tiers des Ehpad n’ont pas de médecin coordinateur.
Le Dr Catherine Bayle, vice-présidente de l’Association nationale des médecins coordonnateurs (MCOOR), considère les deux fonctions de coordination et de prescription comme très différentes : « Les médecins coordonnateurs n’ont pas un rôle auprès du résident, mais ils représentent la résidence. Ils doivent donner des alertes et avoir une vision globale de l’établissement. »
Il n’y a aucune volonté de tuer la profession de médecin coordonnateur
Benjamin Voisin, directeur adjoint à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)
Gêné aux entournures par la réaction de la profession, Benjamin Voisin, directeur adjoint à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS, ministère) a tenté de rassurer les participants aux Assises. Il s’est inscrit en faux contre une volonté de l’État de « tuer une profession » et a réaffirmé la place incontournable de la coordination, qui « incarne le projet de soin ». Sans réellement convaincre son auditoire.
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