Alors que notre nouveau ministre de la Santé imagine mettre en place une grande enquête sur le malaise des soignants en France, il serait opportun de regarder ce qu’il se passe de l’autre côté de la Manche. Le tant décrié – par les instances françaises – National Health service (NHS) qui est à la tête des personnels soignants et sociaux (1,1 million de personnes) réalise chaque année un baromètre très complet des conditions de travail de ses agents. Non seulement 569 440 personnes (48 % des employés) y répondent, en majorité par voie électronique, mais les résultats sont immédiatement pris en compte par les autorités sanitaires.
Ainsi, devant le nombre d’agressions émanant de patients ou d’accompagnants et déclarés dans le baromètre 2019, le secrétaire d’État a écouté les soignants : « je suis horrifié que les personnels du NHS puissent être agressés au travail… Ce ne doit plus être le cas… Vous devez pouvoir travailler dans un environnement qui préserve votre santé physique et morale ». Ne se contentant pas de compatir, Matt Hancock est allé plus loin, en demandant que les mesures prises en 2018 (notification systématique à la police des agressions, doublement des peines en cas d’agression envers des soignants) et possibilité de droit de retrait des soignants face à des patients agressifs (non psychiatriques ou déments) soient étendues aux agressions verbales et propos discriminatoires.
Personnel des ambulances et urgences en première ligne
La situation concerne certains personnels plus que d'autres. En Grande-Bretagne, selon le baromètre NHS 2019, 14,9 % des soignants ont eu à faire face à au moins un incident avec violence physique de la part des patients ou de leur entourage dans les 12 derniers mois. Ce chiffre passe à 34 % dans le personnel des ambulances, des urgences et à 20,3 % dans les services de psychiatrie. Quant à la violence verbale avec discrimination selon les origines ethniques, le genre, la religion, l’âge ou l’orientation sexuelle 7,2 % des soignants y ont fait face en 2019 (contre 5,8 % en 2015).
En France, principe d’égalité des soins à l’hôpital
En France, le code de déontologie médicale précise : « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à̀ ses devoirs d’humanité́, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. » Cette disposition vaut surtout pour les médecins libéraux. Les règles sont quelque peu différentes dans le cadre de la médecine hospitalière. En effet, le patient n’est pas lié au praticien qui le prend en charge par un contrat, il est un usager du service et le médecin qui le prend en charge n’est pas choisi par lui.
Comme tous les services publics, le secteur hospitalier est tenu au respect des principes fondamentaux d’égalité́, de continuité́, de neutralité́ et de mutabilité́. La problématique de l’accès aux soins, et du refus de soins qui pourrait être opposé́ à̀ un usager se pose tout d’abord sous l’angle du principe d’égalité́. Ainsi, un établissement public de soins est tenu de garantir à̀ tous un égal accès aux soins. Et que se passe-t-il si une équipe refuse l’admission d’un patient dans le service en raison de problèmes de violence préexistants ? L’article R. 1112-12 du Code de la santé́ publique précise qu’ « en cas de refus d'admettre un malade qui remplit les conditions requises pour être admis, alors que les disponibilités en lits de l'établissement permettent de le recevoir, l'admission peut être prononcée par le directeur de l'agence régionale de santé́ ». Il existe ainsi une procédure permettant de pallier un refus de soins constitué par un refus d’admission.
Donc à ce jour en France, aucune mesure de refus de soins n’est possible dans un établissement hospitalier, quand bien même le patient est violent ou agressif verbalement. C’est pour répondre à cette agressivité croissante à laquelle sont confrontés, en particulier, les personnels des urgences, qu’en juillet 2019, une prime de risque de 100 euros a été attribuée aux soignants (hors médecins) travaillant dans les services d’urgence. La CGT AP-HP estime que, chaque semaine, trois soignants se font agresser aux urgences et cette tendance est retrouvée dans tout l’hexagone, même si, de plus en plus souvent, les soignants et leur hiérarchie portent plainte.
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