Après le business juteux des urgentistes intérimaires qui agacent profondément les soignants, les hôpitaux italiens se lancent dans une nouvelle opération : la location des blocs opératoires. Un système qui permet aux régions et aux administrations locales, de contourner la question épineuse de la pénurie de médecins et d’infirmiers et de rentabiliser les salles opératoires qui ne tournent plus à plein régime toujours à cause du manque cruel de soignants et d’argent frais.
D’un bout à l’autre du pays, les établissements publics signent des contrats avec des sociétés privées. C’est le cas par exemple à Rome, du prestigieux CHU de Tor Vergata auparavant chapeautée par le Pr Orazio Schillaci qui occupait le fauteuil de recteur avant de décrocher le portefeuille de la Santé après la victoire de l’extrême droite aux élections législatives de septembre 2022.
Selon la presse italienne, la direction générale de cet hôpital universitaire aurait informé la région du Latium dont elle dépend, qu’un accord est sur le point d’être signé avec la société privée Althea Italia, spécialisée dans la gestion de techniques biomédicales. Ce contrat concerne la restructuration, l’installation et la gestion de deux blocs opératoires et aussi du département de soins intensifs et de la chirurgie ambulatoire. Enfin, la gestion des salles, le service de télémédecine, l’assistance à domicile et en prime, la manutention des équipements. En clair, la quasi-totalité des activités.
Affaire juteuse
Pour la direction générale du CHU de Tor Vergata, toujours selon la presse italienne, ce contrat de partenariat mixte constituerait « un instrument essentiel pour l’administration publique » qui lui permettrait de cibler et concrétiser des objectifs stratégiques importants grâce à une série d’incitations. En d’autres termes, une affaire juteuse comme le souligne l’Association des chirurgiens hospitaliers italiens (ACOI). « Le coût des locations est nettement supérieur à celui du personnel soignant qu’il faudrait recruter pour gérer en toute sécurité les blocs opératoires », estime le Dr Marco Scatizzi, président de l’ACOI.
Autre exemple, cette fois-ci dans la région des Marches (centre) avec les hôpitaux de la cité médiévale d’Urbino et de Pergola qui se sont lancées dans la location des blocs l’an dernier. La durée du contrat serait de trois ans et englobe, la gestion des urgences, la maternité, et le service d’anesthésie. Dans le sud du pays, en Calabre, la restructuration des blocs opératoires des Hôpitaux réunis de Reggio Calabria, le chef-lieu provincial, a été confiée à la société Nge ainsi que la gestion logistique et l’approvisionnement. À Voghera, une commune de quelque 40 000 habitants située en Lombardie, une société privée a décroché un superbe contrat qui lui permet de gérer 70 % des activités de l’hôpital local. « Dans ce contexte, peut-on encore parler de système public ? », s’interroge la confédération syndicale CGIL qui évoque le problème d’une gestion erronée qui mine le public et favorise les spécialistes de l’intérim médical et maintenant, de la gestion des structures.
Démembrement des blocs
Récemment, l’Agenas, l’agence nationale des services de santé régionaux chargée de faire le lien entre le système d’assistance hospitalière et les services territoriaux pour renforcer le réseau et garantir les soins, a publié un rapport inquiétant. Selon ce document, la mauvaise gestion et le démembrement des blocs opératoires ont des retombées importantes sur la sécurité en milieu chirurgical. Les chiffres sont sans appel : seulement 24 % des structures hospitalières remplissent les conditions de sécurité dans le cadre des interventions de pontages coronariens.
Au niveau des fractures du fémur, la situation est pire, un hôpital sur quatre réalisant trop peu d’inventions pour garantir au patient une opération en toute tranquillité. Encore une autre donnée inquiétante : 163 hôpitaux ne seraient pas en mesure d’effectuer dix interventions par an sur les patients atteints de cancer du foie, un chiffre considéré comme un seuil minimal. Reste que revenir en arrière sera compliqué comme le démontre la question du recours aux coopératives spécialisées dans l’intérim médical. Malgré les pressions des syndicats de soignants, la situation n’a pas bougé et les urgences sont toujours aux mains des coopératives.
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