DE NOTRE CORRESPONDANT
LA CANICULE de l’été 2003 aura marqué une rupture dans le domaine de la veille sanitaire. Le système de surveillance existant s’est révélé inadapté pour des événements non prévisibles. Une des réponses apportées à ce constat a débouché sur la mise en place de bulletins de veille sanitaire régionaux. Celui des Pays de la Loire a vu son premier numéro sortir en janvier 2008. Près de deux ans après, quelle est son utilité pour les cliniciens ? Plus de la moitié des destinataires de ce bulletin sont des médecins et, dans leur très grande majorité, ils sont hospitaliers. Ce que regrette le Dr Jean-François Huez, enseignant de médecine générale à Angers et praticien libéral : « Le fait qu’il soit très peu diffusé en médecine primaire est dommage. On le voit avec la grippe, il est pourtant intéressant de connaître la situation locale. »
Pour Gilles Potel, chef de service des Urgences du CHU de Nantes, les données disponibles dans ce bulletin sont « utiles ». « Nous recevons entre autres les chiffres de fréquentation des urgences de la région, note-t-il. C’est intéressant car cela permet de comparer, de confirmer ou non nos impressions… Mais il manque la conclusion qualitative qui est à tirer de ces données. Car si l’on prend la période de décembre et du début d’année, le scénario est prévisible : nous aurons une augmentation de fréquentation. Ces données auront-elles un impact sur le fonctionnement de l’hôpital ? Aucun ! »
Adapter les moyens.
Ses confrères sont allés dans le même sens. À commencer par Jacques Berruchon, pneumologue au centre hospitalier de La Roche-sur-Yon : « Le bulletin pourra être un levier important pour adapter le fonctionnement à l’afflux prévisible. D’une certaine manière, un pic observé par le bulletin est opposable à l’administration… J’ai été président de CME pendant quinze ans. On essayait d’avoir des lits supplémentaires tous les 5 janvier, pic récurrent, et nous n’y sommes jamais arrivés ! » Devant ce constat amer, ce médecin a versé dans l’humour : « Des pointes de fréquence de pneumopathie, c’est excellent car c’est aussi de la T2A ! »
Pour Georges Picherot, chef de service des urgences pédiatriques du CHU de Nantes, le bulletin pourrait être la base d’un système de prévision épidémique. « De nouveaux signaux d’alerte pourraient alors être définis, avec les niveaux de fréquentations des urgences, avec les données de SOS Médecin, a souligné ce pédiatre. Il faut dire aussi que déclencher des moyens pour faire face à telle situation est très difficile. À Nantes, en pédiatrie, nous bénéficions de "mensualités opérationnelles", des temps plein infirmiers ou de puéricultrices, pour répondre aux épidémies saisonnières, comme les bronchiolites qui font doubler la fréquentation. Mais il faut pour cela trouver le personnel disponible. »
François Raffi, chef de service d’infectiologie au CHU nantais, estime lui aussi que des alertes ponctuelles, ciblées en fonction de l’actualité et des besoins, pourraient émerger des données accessibles dans le bulletin régional. « Par exemple, à partir de 95 % d’occupation des lits de réanimation sur plusieurs établissements, une alerte pourrait être déclenchée », a surenchéri le Pr Gilles Potel.
* Le réseau GROG compte 31 médecins généralistes ou spécialistes.
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