Le Dr Gabriel Saiydoun, chirurgien thoracique et cardio-vasculaire, et président du CNJC*, prend l'initiative pour répondre au mal-être des jeunes chirurgiens en créant une plateforme d'entraide entre confrères et répondre aux problèmes spécifiques du bloc opératoire. Entretien.
LE QUOTIDIEN DU MEDECIN : Pour les jeunes chirurgiens, quelles ont été les remontées de terrain pendant cette année de crise ?
Dr Gabriel Saiydoun : Les jeunes chirurgiens ont vu leur formation très perturbée. Pendant le premier confinement, il y a eu un fort ralentissement et un arrêt des blocs opératoires avant une reprise progressive les derniers mois de 2020. Les chirurgiens se sont tournés vers des activités de recherche ou d'enseignement. D'autres ont été affectés pour aider les services d’urgence, de soins intensifs et de réanimation. Par exemple, de jeunes chirurgiens thoraciques ont aidé à la pose d'assistance respiratoire ECMO pour les patients Covid. Toutefois, tous les internes n'ont pas pu assurer leurs objectifs pédagogiques lors de leur stage. Pareil pour les chefs de clinique qui ont encore besoin de formation pour consolider leurs compétences. Très peu de sessions de simulation ont été programmées. Conséquences ? Certains ont demandé de prolonger leur clinicat et leur stage.
De plus, les jeunes chirurgiens ont accusé les conséquences de la loi anti-cadeaux en place depuis fin 2019 qui interdit à l’industrie pharmaceutique de participer aux frais « d'hospitalité » des étudiants lors de congrès ou colloques scientifiques. Les jeunes ont moins appris. Au final, ça a poussé à rendre les formations hétérogènes et a contribué à une augmentation du mal-être.
Avez-vous perçu des signaux de détresse ?
Nous avons réalisé mi-2020 une étude prospective et observationnelle de l’impact du Covid-19 sur la formation chirurgicale, la charge de travail et la santé mentale des internes et des jeunes chirurgiens en France. 1 000 jeunes ont participé et les conclusions montrent un taux élevé de symptômes de dépression, d'anxiété et d'insomnie. Plus de 90 % ont estimé que l’épidémie de Covid-19 avait un impact négatif sur leur formation.
En revanche, nous n'avons pas reçu de signalements en lien avec les violences. Mais une précédente enquete "1 patient 1 équipe" menée avec le CFAR sur les causes des conflits au bloc place le manque de communication en première ligne, puis la fatigue, le manque de personnel, l'encadrement défaillant et enfin les personnalités et abus de pouvoir. Pour autant, nous savons que parler peut s'avérer difficile, c'est aussi pourquoi nous créons une plateforme pour leur venir en aide.
Justement cette plateforme d'entraide, en quoi consiste-t-elle ?
Le CNJC veut mettre en ligne sur notre site internet jeuneschirurgiens.com une plateforme d'aide spécifique aux chirurgiens qui rencontreraient des problématiques liées au harcèlement, aux violences, ceux qui sont proches du burn-out, ceux ayant un problème avec un confrère ou tout autre problème afin de les accompagner.
Toutes les plateformes d'aide existantes sont très bien, mais en avoir une, capable de gérer les problématiques spécifiques du bloc opératoire, est très intéressant. Le bloc est un endroit où il y a des interactions avec une équipe multidisciplinaire et axé sur le compagnonnage. Parmi les exemples concrets à gérer, des jeunes voulant changer de spécialité car ils sont dans un réel état de stress, ceux qui ont une surcharge de travail et qui n'arrivent pas à suivre. Un groupe complet avec l'aide de psychologues ou d'autres professionnels est envisagé. La plateforme est prévue pour la deuxième moitié de l'année.
* Conseil national des jeunes chirurgiens
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