La proposition de loi de la députée et rhumatologue du Loiret, Stéphanie Rist (Renaissance), qui prévoit l'accès direct à certaines professions paramédicales et l'extension du champ de compétences des infirmières en pratique avancée (IPA), a été adoptée mardi soir au Sénat.
Quelques heures auparavant, entre 5 000 et 10 000 médecins libéraux avaient manifesté à Paris à l'appel unitaire des syndicats, précisément contre cette proposition de loi de la majorité. En exclusivité pour « Le Quotidien », la Dr Stéphanie Rist réagit à cette mobilisation historique de la profession mais assume sa « responsabilité de parlementaire d'agir aujourd'hui ».
LE QUOTIDIEN : L'ampleur de la manifestation des médecins qui a eu lieu hier à Paris vous a-t-elle surprise ?
Dr STÉPHANIE RIST. Non, je m'attendais à ce qu'il ait du monde. J'entends complètement l'expression de la situation difficile que vivent les médecins libéraux, en particulier les généralistes qui sont inquiets pour leurs conditions de travail actuelles et encore plus à venir. Ils croulent sous le boulot et, parfois, ils ne peuvent même plus répondre à toutes les demandes.
Mais nous sommes au pied du mur. C'est en 2027 que le vieillissement de la population médicale va produire le maximum de son effet. Il est de ma responsabilité de parlementaire d'agir aujourd'hui, même si une partie de la profession peut avoir l'impression qu'on accélère brutalement sur le sujet du partage des compétences.
Avec le développement de la pratique avancée et de l'accès direct aux paramédicaux, certains médecins vous reprochent de vouloir revenir aux « officiers de santé » de la Révolution française. Que leur répondez-vous ?
Je sais très bien que les évolutions que nous proposons touchent au cœur de l'histoire et de la construction de la médecine libérale en France vis-à-vis de l'État qui a garanti aux médecins leur monopole d'exercice. Quand on est médecin, la seule chose qu'on veut c'est bien soigner le malade.
Or justement, ma proposition de loi part du principe que le partage de compétences n'est pas un moyen de soigner plus de gens ou moins de gens, mais bien de les soigner mieux. C'est ce que montrent les études sur la pratique avancée à l'étranger. Je crois aussi que beaucoup de mes confrères ne connaissent pas bien encore la formation des infirmières en pratique avancée.
Même l'Ordre des médecins était présent à la manifestation hier à Paris. Comment y réagissez-vous ?
J’ai du mal à comprendre qu'un Ordre aille manifester. Encore plus quand il s'agit d'améliorer la qualité des prises en charge par le partage des compétences. Est-ce que cela peut être considéré comme autre chose que du corporatisme ? Je ne le crois pas.
Le sujet de la primoprescription par les IPA suscite l'inquiétude dans le corps médical. Entendez-vous ces craintes ?
Je l’avais déjà un peu constaté au moment du débat sur les sages-femmes. En France, notre système est toujours très pyramidal avec un médecin tout en haut, le seul à pouvoir prescrire. Je crois qu'il faut vraiment transformer cette pyramide en un cercle où le médecin a une place centrale mais où tout le monde travaille ensemble.
La prescription des paramédicaux sera cadrée, tout ne sera pas permis. D'ailleurs aujourd'hui, tous les médicaments ne peuvent pas être prescrits par tous les médecins, certains sont réservés à certaines spécialités. Cela va être un peu la même chose. Il y aura des actes et des produits que les infirmières pourront prescrire parce qu'elles auront été spécifiquement formées pour cela.
Soutenez-vous les revendications tarifaires des médecins libéraux ?
Oui complètement. S'il y a une évolution des partages de compétences, les médecins vont se retrouver avec davantage de patients plus lourds, plus compliqués et plus âgés. Il faut donc absolument des revalorisations de leurs actes d'autant que, si l'on regarde sur les quinze dernières années, la valeur de l'acte a relativement peu progressé.
Accès directs et taxe anti-lapins
Le Sénat a adopté mardi soir la PPL Rist sur « l'amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » en première lecture. La Haute Assemblée a conservé dans les grandes lignes l'esprit du texte initial qui avait braqué les libéraux (accès direct à certains paramédicaux – kinés, orthophonistes – dans des structures coordonnées, extension des compétences des IPA, création d'une notion de responsabilité collective de participation à la permanence des soins, tant en établissement qu'en ville).
Parmi les modifications importantes, on peut noter l'accession possible à la pratique avancée des infirmières anesthésistes (Iade), la suppression de la distinction entre IPA « spécialisés » et IPA « cliniciens ». Le Sénat a aussi limité les accès directs aux paramédicaux aux seules structures intégrées partageant une patientèle commune : maisons et centres de santé, équipes de soins primaires et spécialisés (mais plus aux CPTS). Le Sénat a par ailleurs créé la possibilité d'une indemnisation du professionnel par le patient en cas de rendez-vous non honoré.
La PPL doit faire l'objet d'une discussion entre les deux chambres en commission mixte paritaire (CMP) pour aboutir à une version de compromis définitive.
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