Le Pr Raoult a déconsidéré la profession mais n'est pas coupable de charlatanisme, selon l'Ordre des médecins

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Publié le 07/12/2021

Crédit photo : AFP

Affaire Raoult, nouvel épisode ! Visé par deux plaintes déposées par l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône et le conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), le Pr Didier Raoult a écopé, le 3 décembre, d'un blâme par la chambre disciplinaire de première instance (CDPI) de l'Ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine.

Pour quelles motivations ? Dans la décision détaillée que « Le Quotidien » a pu consulter, le directeur de l'IHU Méditerranée Infection de Marseille est d'abord reconnu d'avoir bel et bien enfreint quatre obligations dictées par le code de déontologie : information du public (R4127-13), information sur les procédés nouveaux (R4127-14), déconsidération de la profession (R4127-31) et devoir de confraternité (R4127-56).

Imprudence sur des traitements incertains

Les juges ordinaux ont estimé que le patron de l’IHU, promoteur de l'hydroxychloroquine contre le Covid, a manqué à son obligation d'information du public, en donnant, en 2020, des éléments ne s'appuyant sur « aucune information confirmée », « sans faire preuve de prudence nécessaire alors qu'ont existé très rapidement de profondes incertitudes sur les traitements appropriés au Covid 19 ».

Le microbiologiste marseillais est aussi coupable d'avoir « divulgué dans les milieux médicaux un procédé nouveau de traitement insuffisamment éprouvé » sans les « réserves qui s'imposaient ». « Il a par ailleurs participé à la diffusion dans le grand public de l'information sur un nouveau traitement en affirmant sa validité, alors que la communauté scientifique internationale s'interrogeait sur la pertinence des conclusions des travaux de recherche effectués ou en cours », peut-on lire dans la décision.

Discourtois

Par ailleurs, le Pr Raoult a aussi « manqué à son devoir de bonne confraternité » en s'exprimant « de manière peu correcte, discourtoise, voire agressive », à l'encontre d'autres médecins. Dans cette décision qui reconnaît aussi la déconsidération de la profession, il est mentionné que l'Ordre départemental des médecins avait reproché au praticien marseillais d'avoir eu des propos qui ont discrédité « de nombreux médecins scientifiques en laissant penser qu'ils étaient manipulés par des intérêts financiers voir politiques » et « d'avoir qualifié de "fous" les soignants qui refusaient d'utiliser le traitement préconisé »

En revanche, la CDPI a écarté les manquements à d'autres articles du code dont l'interdiction du charlatanisme (R4127-39) ou la prise de risque injustifié pour le patient (R4127-40). Elle n'a pas retenu en effet les griefs des plaignants selon lesquels le patron de l'IHU avait proposé et mis en œuvre « des traitements associant l'hydroxychloroquine et l'azithromycine sans démontrer leur conformité aux données acquises de la science, ni prouver l'obtention du consentement éclairé des patients pour lesquels ils pouvaient entraîner des risques injustifiés ».

Prescriptions « appropriées et équilibrées »

Les juges ont ici estimé « qu'il n'existait pas de données scientifiques acquises concernant le virus Covid dans la littérature médicale et les différents articles scientifiques parus en 2020 ». « Ainsi les prescriptions du Pr Raoult et celles qu'il a préconisées durant cette année-là, pouvaient apparaître alors comme appropriées et équilibrées en termes d'avantages et d'inconvénients et mesurées dans leurs conséquences », ont écrit les juges.

Par ailleurs, vis-à-vis des patients, « il ne ressort pas des pièces du dossier que le Pr Raoult n'aurait pas assuré des soins consciencieux dévoués et fondés sur les données acquises de science à ses patients », peut-on lire. « Le Pr Raoult ne peut être regardé comme ayant conseillé et prescrit à ses malades un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé ». De surcroît, « aucun patient n'a porté plainte contre lui pour les soins dispensés », ont motivé les juges.

Face à ces motivations, l'Ordre national ainsi que l'Ordre des Bouches-du-Rhône vont-ils faire appel ? Interrogé par « Le Quotidien », l'Ordre confie qu'il doit se réunir ce jeudi pour savoir s'il fait « appel ou non » de cette décision.


Source : lequotidiendumedecin.fr