Combien de temps l’Établissement français du sang (EFS) continuera-t-il à assurer toutes les transfusions dont les patients ont besoin ? La question est légitime au regard des difficultés auxquelles est confronté cet établissement public chargé de la collecte et de la distribution des produits sanguins. Non seulement le niveau des réserves a atteint une situation critique, mais l’EFS souffre, à l’image de l’hôpital public, d’un cruel manque d’attractivité.
Contactée par « Le Quotidien », la Dr Adeline Canavelli, médecin biologiste à l’EFS depuis 2012, confirme qu'elle n’a jamais connu un « niveau de stocks aussi bas ». Cette pénurie s’explique certes en partie par la crise sanitaire, dès lors que de nombreux Français se sont dit « je ne peux pas venir donner mon sang car je suis malade ou cas contact », poursuit la déléguée syndicale régionale de la CFDT. C'est pourquoi l’EFS a publié récemment un bulletin d'urgence vitale, relayé par Olivier Véran, pour remédier à la pénurie de produits sanguins, ce qui a permis de faire « remonter doucement le stock », observe la Dr Canavelli. Mais il faudra que « cet élan dure dans le temps, sinon on va se retrouver dans la même situation dans un mois ».
Postes vacants
Mais au-delà de la crise sanitaire, un « problème structurel » contribue à la situation de grande fragilité, à savoir le manque d’attractivité de l'établissement et des métiers. Près de 300 postes seraient vacants (infirmiers, techniciens de laboratoire, chauffeurs, médecins de collecte, médecins biologistes, etc.). Et ces deux derniers métiers médicaux peinent encore davantage que les autres à être pourvus. « Depuis quelques années, on constate une énorme pénurie de biologistes et une chute importante du nombre de médecins de collecte », assure la Dr Canavelli.
Selon elle, ces difficultés de recrutement sont notamment liées à « la course à l’efficience lancée par l’EFS depuis une dizaine d’années ». L’établissement aurait « réduit les effectifs au niveau des collectes », pour des questions de rentabilité, si bien qu’un « certain nombre collectes se sont arrêtées », faute de personnel.
Oubliés du Ségur
Autre handicap : la grille de classification et de rémunération au sein de l’EFS est jugée « obsolète » et « décorrélée du marché du travail », pour la CFDT, qui note « une perte d’attractivité des métiers de la transfusion au regard notamment des rémunérations des agents de la fonction publique hospitalière. »
Raison pour laquelle les salariés de l’établissement avaient entamé un mouvement de grève pour réclamer des revalorisations salariales et une équité de traitement dans le cadre du Ségur de la santé. Des revendications en partie entendues puisque la direction a octroyé l’équivalent des 183 euros supplémentaires pour certains métiers (techniciens de laboratoire, techniciens de préparation, infirmiers, cadres médicotechniques).
Concurrence déloyale ?
Mais le secteur support, les médecins de collecte ou les biologistes sont toujours exclus des avancées, déplore la Dr Canavelli qui ne comprend pas pourquoi « on crée une telle disparité entre les salariés d’une même entreprise ».
Or, rivaliser avec le secteur privé d'un côté, mais aussi avec le public de l'autre qui a bénéficié du Ségur, devient parfois mission impossible. Les rémunérations proposées par l’EFS sont « très en dessous des prix du marché avec des différences salariales colossales entre les biologistes de l’EFS et les laboratoires privés, mais aussi avec les biologistes de l’hôpital public, souligne la syndicaliste. Cela crée un véritable déséquilibre en termes d’attractivité ». Et de s’interroger sur « la volonté du gouvernement de sauver l’EFS et notre modèle de transfusion à la française », autour des valeurs qui fondent le don éthique (anonymat, volontariat, gratuité et bénévolat).
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