De l’hydroxychloroquine à l’homéopathie, en passant par l’intérim et la vaccination, les médecins ont eu maintes occasions de s’envoyer de jolis noms d’oiseaux à la figure des derniers mois. De quoi bousculer quelque peu le principe de l’article 56 du code de déontologie médicale, qui précise que « les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité », et qu’un médecin « qui a un différend avec un confrère doit rechercher une conciliation ». Car à l’heure où le débat public s’enflamme à la vitesse des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu, l’antique devoir de réserve entre confrères peut être difficile à observer… quand il ne se trouve pas mis en balance avec d’autres impératifs.
Telle est du moins l’expérience faite par le collectif No Fakemed, qui avait en 2018 déclenché une mémorable polémique au sujet de l’homéopathie. « Nous avons incité certains confrères à corriger certaines erreurs, et fait part de nos réserves quant au remboursement de l’homéopathie, se souvient le Dr Pierre de Brémond d’Ars, généraliste et président du collectif. Nous estimons avoir agi au nom de la déontologie, au nom de l’intérêt du patient, mais ce n’est pas comme cela que cela a été interprété en face. » Effectivement, plusieurs procédures ont été déclenchées devant les chambres disciplinaires de l’Ordre, et on attend encore les jugements en appel sur ces affaires.
Il n’y a cependant pas là de quoi refroidir le militant. Celui-ci dit comprendre que « les médecins doivent faire en sorte de garder une certaine image en public, pour que les gens continuent à faire confiance à la profession », mais estime que cela « ne doit pas être un paravent derrière lequel on se cache quand on assiste à des choses non adaptées ». « Il n’y a selon moi pas de souci, au niveau éthique, à dire que les positions de certaines personnes en médecine ne sont pas cohérentes avec les données actualisées de la science », ajoute-t-il.
Une question de limites ?
Sans se prononcer sur le cas d’espèce de l’homéopathie, la Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section « Éthique et déontologie » du Conseil national l’Ordre des médecins (Cnom), note que tout est dans les limites que chaque médecin doit s’imposer lorsqu’il intervient dans le débat public. « La confraternité, cela ne veut pas dire qu’on doit toujours être d’accord, souligne-t-elle. On peut exprimer des opinions différentes, mais sans entrer dans l’invective. Si les limites sont franchies, ce sont les chambres disciplinaires qui entrent en jeu. »
Reste que, l’ordinale en convient, le paysage médiatique actuel est assez peu propice au respect desdites limites, qui sont d’ailleurs assez difficiles à définir. Est-ce à dire que la confraternité est morte de sa belle mort ? Pas du tout, répond Anne-Marie Trarieux, qui souligne que c’est là une notion qui dépasse largement le cadre de l’expression publique des médecins.
« La confraternité, ce n’est pas dire du bien de quelqu’un, c’est aider un médecin qui se trouve dans l’adversité, c’est aller se présenter quand on s’installe, c’est trouver une organisation avec les autres médecins du secteur quand on part en vacances… », énumère-t-elle. Reste à savoir si, sur ces plans aussi, les évolutions de la société ne vont pas rendre de plus en plus compliquée l’application du fameux article 56.
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