« Nous avons travaillé sur ce projet pendant un an. L'idée était d'assurer une continuité des soins en étant au plus près des patients dans leur environnement », raconte la Dr Caroline Soler, psychiatre, PH au CH de Jury-les-Metz (Moselle), établissement public de santé mentale.
La chef de pôle se réjouit du lancement, depuis septembre, d'une équipe psychiatrique de soins intensifs à domicile (Epsiad) sur le secteur des vallées de l'Orne et de la Fensch (soit 124 000 habitants). Avec un temps jugé « peu satisfaisant » réservé aux soins psychiatriques en établissement, ce dispositif mobile « innovant et non expérimental » vise à éviter les hospitalisations « en proposant une intervention précoce et de proximité, intermédiaire entre le centre médico-psychologique et l'hôpital ».
Le principe est simple. Patients mais aussi médecins traitants, travailleurs sociaux, familles ou organismes municipaux peuvent appeler un numéro dédié pour solliciter l'intervention de l'équipe mobile psychiatrique. Une évaluation de la situation est faite, dans les 48 heures, par l'équipe d'encadrement composée d'une psychiatre et de la cadre de santé. Celle-ci écarte les situations extrêmes (violence, risque de dangerosité, refus total de coopérer) puis valide l'entrée dans le dispositif. Une première rencontre à domicile avec le patient est organisée par un binôme infirmier/travailleur social.
Contact avec le médecin traitant
L'équipe est chargée de contacter le médecin traitant et un infirmier libéral pour le suivi du traitement médicamenteux. Selon le processus, le binôme intervient quotidiennement à domicile la première semaine, et même plusieurs fois par jour si nécessaire. Il évalue l'état psychique, apporte soutien psychologique et délivre conseils thérapeutiques. Il peut fournir aussi des explications aux aidants et se coordonner avec les acteurs locaux dont les travailleurs sociaux. « Le binôme accompagne systématiquement le patient chez son médecin traitant durant la première semaine pour expliquer le dispositif », souligne la Dr Caroline Soler.
Cette prise en charge précoce s'accompagne d'un suivi au plus près. Une consultation médicale est assurée par le psychiatre dans les 24 premières heures du processus, puis à trois et à huit jours pour les évaluations cliniques et l'adaptation du traitement. Le suivi est prévu sur quatre semaines jusqu'à une période de consolidation permettant de favoriser les accompagnements extérieurs et de faciliter l'inclusion et l'autonomie de la personne. Un compte rendu est adressé systématiquement au médecin traitant. Autre atout de cette équipe à la fois sanitaire et médico-sociale : un coordinateur de parcours assure la continuité des soins pour les cas complexes. Des visites à domicile sont programmées pour vérifier « que la personne va bien à ses rendez-vous », ajoute la psychiatre.
Relais de prise en charge
« Une de nos missions est de s'assurer qu'il y ait un relais de prise en charge, soit par le CMP avec visite à domicile, soit par les psychiatres libéraux. Or dans notre secteur, ils ne sont que deux… », précise la spécialiste qui compte aussi faire mieux connaître ce dispositif d'intervention précoce auprès des généralistes et des infirmiers libéraux. « Le lien avec les médecins traitants démarre, ajoute la Dr Caroline Soler. Il faut laisser du temps aux généralistes pour appréhender ce projet ». David Esposito, infirmier libéral sur le secteur de Hayange, est déjà conquis. « Je me sens moins seul pour évaluer le retour à domicile, dit-il. Je peux compter sur cette structure pour remonter les problèmes et avoir des réponses rapidement ».
Depuis septembre, l'Epsiad a pris en charge plus de 70 patients, sans qu'il n'y ait de profil type. Pour l'heure, l'hôpital de Jury organise et finance ce projet grâce aux redéploiements internes (infirmiers, aides-soignants, éducateur spécialisé, assistante sociale, psychologue). L'année dernière, sa réponse à l'appel à projet de l'ARS – pour obtenir un financement du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie – n'avait pas été retenue. Mais l'établissement ne baisse pas les bras. « Nous redéposerons la demande, souligne la Dr Caroline Soler. L'objectif est de diminuer le recours à l'hospitalisation et de réussir à faire autrement en proposant une offre territoriale pour améliorer la prise en charge des patients ».
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique